Procès pour tentative d’escroquerie visant TotalEnergies : la défense questionne le rôle de la multinationale

Lundi 8 décembre 2025

TotalEnergies était-il au courant de la constitution en 2009 d’un tribunal arbitral visant à lui soutirer des dizaines de milliards de dollars ? C’est ce que cherche à démontrer la défense au procès pour tentative d’escroquerie au préjudice du groupe.

Agence France-Presse 8 décembre 2025 à 18h47

TotalEnergies était-il au courant de la constitution en 2009 d’un tribunal arbitral visant à lui soutirer des dizaines de milliards de dollars ? C’est ce que cherche à démontrer la défense au procès pour tentative d’escroquerie au préjudice du groupe.

Depuis une semaine, le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine) juge sept prévenus pour leur implication supposée dans la mise en place d’un arbitrage frauduleux dont le but était de faire payer plus de 22 milliards de dollars (environ 19 milliards d’euros) au géant énergétique.

En cause : un contrat de prospection et d’exploration pétrolière signé en 1992 entre d’une part une filiale de TotalEnergies, Elf Neftegaz (aujourd’hui liquidée), et de l’autre les régions russes de Saratov et de Volgograd (sud-ouest du pays) ainsi que la société de droit russe Interneft.

Cet accord, soumis à des conditions suspensives et dont la caducité a été confirmée par plusieurs décisions de justice, n’est jamais entré en vigueur.

C’est sur la base de ce contrat inexécuté que le tribunal arbitral au cœur du litige aurait pris forme avec pour objectif d’obtenir une somme pharaonique de la multinationale, accusée de ne pas avoir honoré ses engagements.

S’estimant victime d’une tentative d’escroquerie, TotalEnergies a déposé plainte en mai 2011. Après près de quinze ans de procédure et un dossier tentaculaire de 30.000 pages, le procès s’est ouvert lundi dernier.

  • Perquisition -

Depuis l’ouverture des débats, les avocats de la défense affirment qu’il est inenvisageable qu’un géant industriel comme TotalEnergies n’ait pas été au courant de la formation d’un arbitrage international où il devait lui-même être représenté. Ils considèrent que leurs clients ont agi de bonne foi, avec la conviction que la procédure d’arbitrage n’était pas frauduleuse.

Ils s’étonnent aussi que le groupe ait fait l’objet en 2020 d’une perquisition alors même qu’il est partie civile au dossier.

Le tribunal s’est lui longuement attardé sur le rôle d’un des prévenus, l’avocat François Binet. Ce dernier est intervenu jusqu’en 2013 comme conseil pour le département d’intelligence économique de TotalEnergies.

Le 6 août 2009, il a participé à une réunion où étaient présents les avocats des parties russes, Olivier Pardo et Xavier Cazottes, l’administrateur d’Elf Neftegaz, Charles-Henri Carboni, et l’ancien président du tribunal de commerce de Paris Jean-Pierre Mattei. Toutes ces personnes sont renvoyées devant le tribunal.

A l’issue de cette réunion, M. Mattei a été désigné par M. Carboni comme représentant d’Elf Neftegaz. Laï Kamara, représentant des parties russes, et Andreas Reiner, président du tribunal arbitral, comparaissent également à Nanterre.

Entendu la semaine dernière, M. Binet a confusément tenté d’expliquer qu’il fournissait des avis juridiques à TotalEnergies sur diverses affaires, mais il a démenti avoir participé à la désignation de M. Mattei, dont il était proche.

Dans son ordonnance de renvoi, le magistrat instructeur a pourtant qualifié la position de M. Binet de « double jeu », estimant qu’il avait cherché à « demeurer proche de Total comme de Jean-Pierre Mattei et de la partie russe ».

  • « Cloisonnement »-

Plusieurs anciens responsables de l’intelligence économique de TotalEnergies ont également été auditionnés. Ils ont tous affirmé que le « cloisonnement » organisationnel du groupe ne leur permettait pas d’être informé des agissements de M. Binet.

Une position qui a surpris la présidente du tribunal, Céline Ballerini, qui a notamment cherché à savoir pourquoi une note sur l’arbitrage, rédigée le 10 août 2009 par le service d’intelligence économique et adressée au directeur général de l’époque, Christophe de Margerie, n’avait pas suscité de réaction au sein du groupe pendant plus de deux semaines. Réponse des témoins : M. de Margerie était en vacances.

Jeudi, l’actuelle directrice des contentieux de TotalEnergies, Marie-Anne Besançon, a elle aussi défendu l’idée que M. Binet avait un mandat de prestataire mais n’était pas habilité à négocier au nom du groupe.

Une version récusée par la défense, qui affirme au contraire que TotalEnergies a été à l’origine de la prise de contact pour désigner un représentant au sein du tribunal arbitral avant de changer de position pour des raisons qui restent encore à éclaircir.

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Agence France-Presse

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