ParNadir Dendoune, écrivain Publié aujourd’hui à 5h50
Il y a vingt ans, le 27 octobre 2005, trois gamins ont couru pour fuir la police. Zyed, Bouna et Muhittin. 15, 17 ans. Ils n’ont rien volé, rien cassé. Ils ont eu peur, simplement. Peur d’un contrôle de trop, peur d’une garde à vue de plus, peur de ce rapport de force qu’on apprend très jeune dans certains quartiers. Alors ils ont couru, comme on court pour sauver sa peau. Ils se sont réfugiés dans un transformateur EDF. Zyed et Bouna sont morts, électrocutés. Muhittin a survécu, brûlé, abîmé, marqué à vie.
Et pendant que la nouvelle de leur mort se répandait à peine, le ministre de l’Intérieur d’alors, Nicolas Sarkozy, n’a pas hésité une seconde : il les a traités de voleurs. Comme ça. Sans preuve, sans pudeur, sans attendre. La présomption d’innocence, il l’a jetée à la poubelle. Parce que, dans sa tête, ces gamins-là étaient déjà coupables. Coupables d’être pauvres, coupables d’être arabes et noirs, coupables d’habiter là où la République envoie les CRS au lieu d’envoyer des profs.
Vingt ans plus tard, l’histoire a une ironie que même les scénaristes n’auraient pas osée. Ce même Sarkozy, l’homme du « kärcher » , des « racailles », des peines plancher , dort derrière des barreaux depuis le 21 octobre. Le président de la République devenu détenu. Et tout d’un coup, on redécouvre les mots qu’il méprisait : justice, équité, droits de la défense. Il réclame la clémence d’un système qu’il a contribué à durcir. Il invoque la présomption d’innocence, celle-là même qu’il avait refusée à Zyed et Bouna. Lire la suite.