Agence France-Presse 27 mai 2025 à 15h24
La justice française a récemment précisé ses soupçons à l’encontre du cimentier Lafarge, poursuivi à Paris pour complicité de crimes contre l’humanité en Syrie et en Irak, a appris mardi l’AFP de sources proches du dossier.
La mise en examen du groupe, désormais filiale du Suisse Holcim, avait été validée par la Cour de cassation en janvier 2024 - une qualification rarissime pour une entreprise.
Mais les charges à son égard n’avaient pas été détaillées.
En mars 2025, le parquet national antiterroriste (Pnat), qui comprend aussi un pôle Crimes contre l’humanité, a précisé ses soupçons dans un réquisitoire supplétif : populations victimes, lieux et périodes.
Lafarge est accusée par le Pnat de s’être rendue complice des crimes commis par l’EI en Irak et en Syrie à l’encontre de la minorité des Yazidis, victimes d’atteinte volontaire à la vie, d’esclavage, d’emprisonnement, de torture, de violences sexuelles, de persécution, entre le 3 août et le 19 septembre 2014.
A ce stade, deux victimes yazidies ont été identifiées.
Le Pnat cite aussi la communauté des Sheitat, en Syrie, depuis août jusqu’au 19 septembre 2014.
Lafarge s’est aussi rendu complice, selon le ministère public, de crimes contre l’humanité contre des recrues de l’armée irakienne, en formation au camp militaire Speicher, entre les 12 juin et 19 septembre 2014, toujours d’après la source judiciaire.
Plus précisément, la justice française estime qu’ils ont été victimes d’atteinte volontaire à la vie, de transfert forcé, d’emprisonnement, de torture, de persécution, et ciblés pour leur confession chiite.
Des prisonniers chiites, yazidis et kurdes à la prison de Badoush, ont été victimes d’atteintes volontaires à la vie, du 10 juin au 19 septembre 2014, selon le Pnat cité par la source judiciaire.
Des soldats détenus dans l’été 2014 dans la prison de Tabqa sont aussi considérés comme victimes d’atteintes volontaires à la vie, d’après le Pnat.
Sollicité par l’AFP, l’avocat de Lafarge n’a pas répondu.
L’affaire a été séparée en deux : d’un côté les soupçons de complicité de crimes contre l’humanité, de l’autre le financement de terrorisme.
Dans ce dernier volet, Lafarge et huit personnes, dont d’anciens responsables, seront jugés dès novembre par le tribunal correctionnel de Paris pour financement du terrorisme, mais aussi pour certains pour non-respect de sanctions financières internationales.
Cette disjonction avait suscité l’appréhension de parties civiles, craignant « un abandon progressif des poursuites » pour crimes contre l’humanité, a souligné auprès de l’AFP Me Rachel Lindon, avocate de deux Yazidies et de l’ONG Yazda.
Mais « ce réquisitoire supplétif démontre la volonté du parquet d’approfondir les investigations s’agissant de ces faits ».
Le groupe est soupçonné d’avoir transféré des fonds au profit de la filiale syrienne de Lafarge, en exploitant une cimenterie « en zone de guerre et en conscience que cette exploitation supposait notamment la remise de fonds ou l’achat de matières premières via des intermédiaires ainsi que des paiements de sécurité ou taxe au profit de l’EI permettant le financement de ses activités criminelles » et de crimes contre l’humanité, d’après une source judiciaire.
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