Tchad : opération séduction à Paris pour sortir du mirage pétrolier
AFP le 08/09/2017 à 20:37
Le Tchad, allié stratégique de la France en Afrique, a bouclé vendredi à Paris une opération séduction auprès des investisseurs, qui ont promis selon N’Djamena des milliards de dollars pour relancer son économie plombée par la fin du mirage pétrolier, suscitant des critiques des adversaires du régime.
Le président tchadien Idriss Déby Itno est venu à Paris pour tenter de séduire de nouveaux investisseurs publics et privés ainsi que les bailleurs internationaux afin de financer un « plan de développement national de plus de six milliards de dollars ».
A la sortie d’une table ronde de deux jours, le pays a obtenu 20 milliards de dollars de promesses d’investissements, selon le communiqué final signé du gouvernement tchadien.
« Les annonces sont bonnes et généreuses. Nous avons dépassé nos attentes mêmes. Mais les difficultés apparaîtront dans la mise en œuvre », a déclaré Idriss Déby vendredi lors d’une cérémonie. « Je garantis les investisseurs que le gouvernement fera tout pour que tout se passe dans la transparence, avec l’appui des partenaires ».
« Le Tchad veut diversifier son économie en se tournant essentiellement vers les secteurs de l’agriculture et de l’élevage », a dit à l’AFP le ministre de l’Economie, Ngueto Tiraina Yambaye. Le plan prévoit aussi de développer la pêche et les mines.
Pays pauvre exportateur de pétrole depuis 2003, le Tchad a subi de plein fouet la chute du prix du pétrole qui représentait 70% de ses recettes budgétaires.
Selon un bon connaisseur du dossier ce pays peuplé de 12 millions d’habitants « … exporte de la viande, de la gomme arabique, dispose de 90 millions de têtes de bétail, c’est énorme. Mais son principal débouché est le Nigeria… et avec Boko Haram ça pose problème ».
Ainsi, dans la zone du lac Tchad, frontalière du Nigeria et du Cameroun, les éleveurs tchadiens qui avaient l’habitude de traverser la frontière du Nigeria pour vendre leur bétail.
Après avoir mis en place des mesures drastiques d’austérité en septembre 2016, le président Déby a déjà bénéficié d’un prêt de 312 millions de dollars accordé fin juin par le Fonds monétaire international (FMI). Mais le FMI a conditionné son prêt à des « réformes structurelles » et des mouvements sociaux ont paralysés le pays.
- Haro sur les dépenses militaires -
La conférence de Paris a suscité des critiques des adversaires du gouvernement de Déby et des analystes du Tchad.
« Ce n’est pas la première fois que le Tchad appelle à l’aide, c’est la troisième fois », rappelle Abdelkerim Koundoungoumi, organisateur d’une contre-rencontre à Paris. « Qu’est-ce qu’ils ont fait de l’aide qu’ils ont reçue la dernière fois ? »
« Deux tiers des fonds destinés au financement de ce plan de développement iront gonfler les comptes bancaires d’Idriss Déby et de ses parents dans les paradis fiscaux, le tiers restant servira à l’achat des armes et du matériel de torture destiné à la police politique », s’était inquiété le 2 août Mahamat Nour Ibedou, secrétaire général de la Convention tchadienne de défense des droits de l’homme (CTDDH).
« Le Tchad n’a pas respecté les accords antérieurs en dépensant une grande partie de ses revenus pétroliers sur l’armée, alors que les services sociaux et la bonne gouvernance ont souffert », a écrit Richard Moncrieff, chargé de l’Afrique centrale à l’International crisis group (ICG).
Les participants au contre-sommet à Paris ont appelé les bailleurs de fonds à « privilégier le financement direct des acteurs locaux de développement ».
Pour l’opposant Saleh Kebzabo, arrivé deuxième à la présidentielle d’avril 2016, le Tchad est « loin de remplir » les conditions en matière d’infrastructures, de sécurité, de bonne gouvernance et de respect des droits de l’homme pour des investissements étrangers.
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