La fuite illicite de capitaux dépasse 75 milliards d’euros par an en Afrique

Mardi 29 septembre 2020

Afrique Economie

La fuite illicite de capitaux dépasse 75 milliards d’euros par an en Afrique

Corruption, contrebande, évasion fiscale, sous-facturations : le montant des pertes équivaut à la somme de l’aide publique au développement et des investissements directs étrangers, selon de nouveaux calculs de l’ONU.

Par Laurence Caramel Publié hier à 20h00

L’hémorragie de capitaux d’origine illicite dont l’Afrique est le théâtre sape la capacité de nombreux gouvernements à assurer les services de base à leur population. Cette perte serait d’au moins 76 milliards d’euros (88,6 milliards de dollars) par an selon la dernière évaluation retenue dans le rapport 2020 sur le développement économique de l’Afrique, publié lundi 28 septembre par la Conférence des Nations unies sur le développement (Cnuced). Une somme qui avoisine le cumul annuel de l’aide publique au développement et des investissements directs étrangers reçus par le continent entre 2013 et 2015.

« Ces flux, qui privent les Trésors publics de ressources nécessaires au financement du développement, sont considérables et ne cessent de croître », déplorent les auteurs du rapport, en précisant qu’ils représentent aussi la moitié des 200 milliards de dollars par an jugés nécessaires pour que l’Afrique soit en mesure d’atteindre les Objectifs du développement durable (ODD) d’ici à 2030. La précédente estimation, publiée en 2015 par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, avançait le chiffre de 50 milliards de dollars en moyenne par an sur la période 2000-2008.

Ces sorties de capitaux empruntent différents canaux. La corruption, la contrebande, l’évasion fiscale en font partie, mais c’est de loin la manipulation des facturations dans le secteur des industries extractives qui alimente le plus généreusement cette délinquance. La Cnuced estime que le maquillage de ces flux commerciaux permet de soustraire 40 milliards de dollars par an aux yeux des administrations douanières. L’opération consiste pour les entreprises – souvent des multinationales – qui s’y adonnent à sous-facturer le montant des exportations afin de percevoir le bénéfice de la transaction sur un autre compte ouvert dans un pays tiers. La surfacturation des importations permet, de son côté, de faire sortir des revenus acquis de manière occulte.

Le secteur de l’or en tête

« Plus le poids d’un minerai est faible et sa valeur élevée, plus il concentre » les activités criminelles, détaille le rapport, en montrant que le secteur de l’or est à l’origine de plus des deux tiers des détournements, à partir de chiffres obtenus en rapprochant, selon une méthode dite « en miroir », les données déclarées par le pays exportateur d’un côté et le pays importateur de l’autre. Le commerce du diamant génère, lui, 12 % des fraudes et celui du platine 6 %. En volume, plus de la moitié des flux illicites de capitaux proviennent de contrats réalisés au Nigeria, en Afrique du Sud et en Egypte, même s’il faut prendre ces chiffres avec précaution compte tenu de la fragilité des données statistiques. Lire la suite.

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