Projets contestés en Ouganda et Tanzanie : TotalEnergies lance une évaluation du volet foncier

Jeudi 4 janvier 2024

Le groupe français TotalEnergies va lancer une « mission d’évaluation » sur le volet foncier de ses mégaprojets pétroliers en Ouganda et Tanzanie, EACOP et Tilenga, au cœur d’une vive contestation de la part d’associations environnementales et de défense des droits humains.

Agence France-Presse 4 janvier 2024 à 09h34

Cette « mission d’évaluation du programme d’acquisitions foncières mené en Ouganda et en Tanzanie dans le cadre des projets Tilenga et EACOP (East African Crude Oil Pipeline) », est confiée « à Lionel Zinsou, personnalité reconnue pour son expertise en matière de développement économique de l’Afrique », a indiqué TotalEnergies dans un communiqué jeudi.

Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin en 2015-2016, a « déjà collaboré » avec TotalEnergies par le passé « sur des questions de développement économique », via sa société de conseil dédiée au continent africain. Son rapport est attendu « d’ici avril 2024 ».

« Alors que le processus d’acquisition foncière touche aujourd’hui à sa fin, cette mission évaluera les procédures d’acquisitions foncières mises en œuvre, les conditions de consultation, d’indemnisation et de relocalisation des populations concernées, ainsi que le processus de traitement des griefs », précise l’entreprise.

« Elle évaluera également les actions menées par TotalEnergies EP Uganda et la société EACOP pour contribuer à l’amélioration des conditions de vie des personnes concernées par ces acquisitions foncières et proposera, le cas échéant, des actions complémentaires à mettre en œuvre », a-t-elle ajouté.

Selon TotalEnergies, le programme d’acquisitions foncières portant sur environ 6.400 hectares et mené pour le compte des deux Etats, « concerne 19.140 foyers et collectivités propriétaires ou utilisateurs de parcelles, et comporte la relocalisation de 775 résidences principales ». A ce jour, 98% des foyers concernés ont signé les accords de compensation, 97% ont reçu leur compensation et 98% des foyers à reloger ont pris possession de leur nouvelle maison, selon le groupe.

Le lancement de cette mission est pour le géant pétrolier français un moyen de répondre aux critiques entourant le mégaprojet EACOP, qui a fait l’objet d’un accord d’investissement de dix milliards de dollars avec l’Ouganda, la Tanzanie et la compagnie chinoise CNOOC.

Devenu un symbole médiatique de la lutte contre les énergies fossiles, le projet suscite en effet une vive opposition de militants et de groupes de défense de l’environnement, estimant qu’il menace le fragile écosystème de la région et ses populations.

Il comprend le forage de 419 puits (projet Tilenga) dans le parc naturel des Murchison Falls - remarquable réserve de biodiversité située dans l’ouest de l’Ouganda -, ainsi que la construction d’un oléoduc chauffé de 1.443 kilomètres reliant les gisements du lac Albert à la côte tanzanienne sur l’océan Indien.

  • Bataille judiciaire -

Début juillet, Human Rights Watch avait demandé son abandon, estimant qu’il avait déjà « dévasté les moyens de subsistance de milliers de personnes ».

En octobre 2019, les associations françaises Amis de la Terre et Survie et quatre ONG ougandaises avaient assigné TotalEnergies en justice en France en dénonçant des violations des droits humains et risques pour l’environnement. Leur recours en référé avait toutefois été jugé irrecevable en février 2023, le tribunal judiciaire de Paris reprochant en creux aux ONG de ne pas avoir suffisamment exploré la voie du dialogue avec le géant pétrolier avant de saisir la justice.

Selon ces associations, plus de 118.000 personnes en Ouganda et en Tanzanie sont affectées par des expropriations totales ou partielles du fait des deux projets dont les travaux ont commencé.

A l’étranger, la Cour de justice d’Afrique de l’Est a également rejeté un recours, selon TotalEnergies.

En France, le projet reste attaqué sur deux fronts judiciaires. Le 27 juin, 26 Ougandais et cinq associations (AFIEGO, les Amis de la Terre France, NAPE/Amis de la Terre Ouganda, Survie et TASHA Research Institute) ont lancé une nouvelle action civile, cette fois pour demander « réparation » devant le tribunal judiciaire de Paris.

En parallèle, un premier front pénal a été ouvert devant le tribunal de Nanterre : une plainte concernant ces projets a aussi été déposée le 22 septembre par quatre associations environnementales (Darwin Climax Coalitions, Sea Shepherd France, Wild Legal et Stop EACOP-Stop Total en Ouganda), « pour des faits s’apparentant à un climaticide ».

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Agence France-Presse

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