Guerre en Ukraine : des économistes de renom veulent mieux cibler l’argent caché des oligarques russes
Piketty, Zucman, Stiglitz… demandent aux pays du G20 de mettre en place un registre mondial permettant de relier les actifs, les sociétés et les structures à leurs propriétaires afin qu’ils ne puissent plus échapper aux législations, ni aux sanctions.
Par J.Cl. avec AFP Le 19 avril 2022 à 08h13
Comment sanctionner les riches soutiens de Vladimir Poutine quand tracer leur argent est si compliqué ? Plusieurs économistes de renom, dont les Français Thomas Piketty et Gabriel Zucman, le prix Nobel américain Joseph Stiglitz, mais aussi la juge française Eva Joly, exhortent les dirigeants du G 20 à créer un registre mondial des actifs afin de mieux cibler les fortunes cachées. « Le cas des oligarques russes est éloquent » dans la dissimulation de fortunes au sein de structures opaques, écrivent-ils dans une lettre publiée ce mardi dans le quotidien britannique The Guardian, à la veille de la tenue, mercredi, du G 20 Finances, qui rassemblera l’ensemble des pays les plus riches du monde.
D’énormes fuites de documents - notamment les Panama Papers et les Paradise Papers - en donnent parfois la mesure, partielle : les multimilliardaires russes détiennent « au moins 1 000 milliards de dollars de richesses à l’étranger », selon leurs estimations relayées dans la lettre de la Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises (ICRICT).
Mi-mars déjà, l’Observatoire fiscal de l’Union européenne, un groupe de réflexion indépendant hébergé par l’École d’économie de Paris, où enseigne Piketty, avait appelé l’UE à établir un registre complet des bénéficiaires effectifs des sociétés fictives qui pullulent dans le monde. L’Observatoire estimait que la moitié de la richesse totale des ménages russes était détenue à l’étranger.
Alors que l’invasion de l’Ukraine par la Russie en est à son 55e jour, les pays butent sur un mur d’opacité quand il s’agit de sanctionner les véritables propriétaires de sociétés offshore. L’histoire du Dilbar est de ce point de vue éloquente : il a fallu un mois à la police fédérale allemande pour s’assurer que le superyacht le plus cher au monde appartenait à la sœur d’Alicher Ousmanov, dont la fortune est estimée à 14 milliards. Le Dilbar était pourtant en Allemagne depuis des mois, pour un grand toilettage. Lire la suite.