« Biens mal acquis » : visé par une plainte en France, le Premier ministre libanais conteste

Mercredi 3 avril 2024

Avant même la révélation publique d’une plainte en France le visant pour blanchiment aggravé sur fond d’accusations de biens mal acquis, le Premier ministre libanais Najib Mikati a pris les devants mercredi depuis Beyrouth pour défendre son « intégrité » et son patrimoine « transparent ».

Agence France-Presse 3 avril 2024 à 18h14

L’AFP a interrogé mercredi de manière contradictoire et avant de publier une dépêche l’entourage du locataire du Grand Sérail à Beyrouth sur la plainte déposée la veille en France par deux associations auprès du Parquet national financier (PNF), l’accusant de s’être constitué frauduleusement un patrimoine en France et à l’étranger.

Suite à ces questions, M. Mikati a choisi de dévoiler l’affaire de lui-même via un communiqué transmis à l’AFP puis aux médias libanais : « Nous avons toujours agi dans le strict respect des lois ».

Celui qui a fait fortune dans les télécoms garantit que « l’origine de (son) patrimoine familial est entièrement transparente et légitime ».

Alors que des procédures judiciaires l’ont visé au Liban ou à Monaco, M. Mikati a assuré : « Aucun membre de notre famille ou compagnie que nous détenons n’a jamais été reconnu par une cour de justice, au Liban ou ailleurs, d’être en infraction des lois ».

« Nos droits légaux sont entièrement réservés, dont le droit d’intenter une procédure en dénonciation calomnieuse, contre toute personne participant à la propagation d’allégations non fondées à notre encontre », met-il encore en garde dans son communiqué.

La plainte, dont l’AFP a eu connaissance, a été déposée mardi par le Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban (CVPFCL) et l’association anti-corruption Sherpa, déjà plaignantes contre l’ex-gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, visé depuis mai 2023 par un mandat d’arrêt international français.

Pour ces associations, celui qui est devenu pour la 3e fois Premier ministre du Liban en juin 2022 aurait « selon toutes vraisemblances, acquis différents biens immobiliers en France et à l’étranger, via des structures multiples et par le truchement de transferts financiers extrêmement importants avec, en particulier son frère Taha Mikati ».

La plainte vise les infractions de blanchiment et recel ou complicité, association de malfaiteurs, le tout commis en bande organisée, ce qui est une circonstance aggravante.

Dans le portefeuille attribué à Najib Mikati par les plaignants, des propriétés à Monaco et Saint Jean-Cap-Ferrat, sur la Côte d’Azur ; un yacht de 79 mètres « acquis pour 100 millions de dollars » ; deux Falcon, évalués à environ 95 millions de dollars…

Taha Mikati est quant à lui notamment visé pour le yacht qu’il posséderait, d’une valeur estimée à 125 millions de dollars.

  • « Restitution des avoirs » -

L’actuel Premier ministre « est pour l’opinion publique libanaise l’incarnation avec son frère Taha et l’ensemble de leurs proches, du clientélisme et du conflit d’intérêt qui ont conduit le Liban à sa perte » écrivent les plaignants, qui s’appuient notamment sur les classements Forbes évaluant les fortunes de chacun des deux frères à 2,8 milliards de dollars à ce jour. Ce qui les place parmi les hommes les plus riches du pays du Cèdre.

Or pour les associations, « depuis le milieu des années 1990, la corruption est intimement liée au fonctionnement de l’Etat » et a donc permis leur enrichissement.

Elles rappellent la 149e place -sur 180 pays- du Liban en termes de perception de la corruption, dans le classement 2023 de l’ONG Transparency International.

Plusieurs enfants des frères Mikati sont aussi visés comme de potentiels receleurs de l’argent supposément blanchi.

« L’usage systémique par M. Mikati, dans une logique clanique et opaque, de comptes offshore et de paradis fiscaux, le fait qu’il incarne (…) la culture de la corruption et du conflit d’intérêts, outre les éléments recueillis par les plaignants, le rend largement suspect lui et sa famille de blanchiment de fraude fiscale (…) à grande échelle depuis des années », dénoncent les avocats des organisations William Bourdon et Vincent Brengarth.

« L’enjeu central est ici de questionner la responsabilité de l’ensemble des acteurs impliqués et ainsi d’ouvrir la voie à une restitution des avoirs détournés (…) aux populations victimes (…) alors que le pays connaît un effondrement d’une ampleur historique », écrit Sherpa dans un communiqué.

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Agence France-Presse

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