Les « espions » privés de Bernard Squarcini mis en examen

Vendredi 10 décembre 2021

Politique La France insoumise

Les « espions » privés de Bernard Squarcini mis en examen

L’ancien directeur du renseignement intérieur est soupçonné d’avoir mobilisé son réseau afin d’espionner François Ruffin, député LFI et réalisateur de « Merci patron ! », pour le compte de LVMH.

Par Joan Tilouine Publié hier à 22h11

Lorsqu’il réalisait Merci patron !, film primé d’un César du meilleur documentaire en 2017, François Ruffin était sous étroite surveillance. Pour le compte du groupe de luxe LVMH, l’ancien directeur du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, est soupçonné d’avoir mobilisé ses réseaux d’enquêteurs privés afin d’espionner l’actuel député La France insoumise (LFI) et l’équipe du journal Fakir qu’il dirigeait alors. On y retrouve l’ancien juge à la Cour d’appel de Paris, devenu le directeur de la protection des actifs et des personnes de LVMH, Laurent Marcadier. Il a été mis en examen fin septembre pour notamment atteinte à la vie privée, exercice illégal d’agent de recherches privées, comme l’a révélé Mediapart. Il en va de même pour l’ancien policier reconverti dans l’intelligence économique, Hervé Séveno, et « le spécialiste » des questions de terrorisme, Jean-Charles Brisard, indique l’Agence France-Presse.

Pour mener à bien ces investigations sur ce qu’il qualifie d’« organisation assez active d’extrême gauche », M. Squarcini a recouru aux services de la société i2F dirigée par Hervé Séveno, une connaissance de longue date avec qui il avait collaboré pour le compte de Veolia. Dès 2013, cet ancien policier, passé par la brigade financière, prétend disposer d’informations sur « la mouvance Fakir » à laquelle il s’était auparavant intéressé pour le compte du groupe Casino, l’un de ses principaux clients. « Ils vous ont ciblé [LVMH], mais sache que nous, on les a infiltrés », dit-il alors à M. Squarcini. Ce dernier répond : « Ah bien voilà, ça m’intéresse alors… »

Informations sur la vie privée de François Ruffin

L’année suivante, la société i2F se voit octroyer par M.Squarcini une mission d’enquête pour un forfait mensuel de 15 000 euros. M. Séveno sous-traite une partie du travail à Jean-Charles Brisard rencontré grâce un bon ami en commun : l’intermédiaire Alexandre Djouhri, également très proche de M. Squarcini et mis en examen pour « corruption active » dans l’affaire d’un possible financement par la Libye de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. « L’infiltré » évoqué par M. Séveno, c’est en réalité un « consultant » de M. Brisard qui dirige lui aussi une société d’intelligence économique établie en Suisse. Il rémunère également une photographe de Fakir en échange de renseignements et d’une tentative vaine de filmer la projection en avant-première du documentaire de M. Ruffin, en 2015.

« La prestation de M. Brisard était très mineure, relativise son avocat Me Léon Lef Forster. Son travail d’investigation consistait à contribuer à empêcher une tentative de déstabilisation de LVMH par un groupe hostile et il conteste toute atteinte à la vie privée. » M. Squarcini, et donc LVMH, étaient informés en temps réel des projets de Fakir, des dates de projection de Merci patron !. Ses enquêteurs privés lui transmettaient également des notes d’analyses et des informations sur la vie privée de M. Ruffin. Ils glanaient des documents internes, menaient des filatures et se chargeaient péniblement de déjouer les tentatives d’intrusion dans les assemblées générales du groupe. Quitte à parfois amplifier la menace de ce « groupuscule » pour justifier leurs efforts. Selon un recensement effectué par M.Brisard, Fakir se composait alors d’une quinzaine de personnes seulement, d’une troupe de théâtre de rue, une société de production audiovisuelle. De quoi provoquer l’angoisse du leader mondial du luxe ? Lire la suite.

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