Prostitution : la mondialisation incarnée

Vendredi 7 septembre 2007

Un trafic juteux

Evénement

Livre

Prostitution. La mondialisation incarnée, édité par le Centre tricontinental de Louvain et les Éditions Syllepse, collection « Points de vue du Sud », coordination Richard Poulin, 240 pages, 18 euros.

« La prostitution a pris un caractère de masse et a essaimé dans le monde entier… Les chiffres donnent le tournis… En 2002, on estime que la prostitution engendre des revenus de 60 milliards d’euros et la pornographie 52 milliards… » Elle représente 5 % du PIB des Pays-Bas, entre 1 % et 3 % au Japon, et 2 % à 14 % en Thaïlande, Malaisie, Indonésie et Philippines. Elle est la troisième industrie du Danemark.

Après un tel constat, Richard Poulin dénonce l’idéologie libérale qui a fait, progressivement, admettre la prostitution comme « un métier comme les autres », « un simple travail », et même « un droit » ou « une liberté ». Certains États l’ont légalisée et réglementée, comme les Pays-Bas où on comptait 2 500 prostituées en 2000 et 30 000 en 2004, dont 80 % venues des pays du Sud et de l’Est, et feignent d’ignorer le contrôle de la traite humaine par le crime organisé et la violence, « constitutive de la marchandisation des êtres humains ».

L’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine sont les grands fournisseurs de femmes et d’enfants. Un commerce qui marque « la crise mondiale des droits humains ». Les organisations criminelles (mafia, yakusa ou snakeheads) se tournent vers la traite humaine, presque aussi rentable que le trafic de la drogue et des armes.

L’auteur décrit la traite des femmes nigérianes - et des Européennes de l’Est avec lesquelles elles partagent des chemins de violence les conduisant à la soumission absolue.

Au Maroc, elles sont 200 000 prostituées, alors que le Code pénal punit la prostitution et ceux qui l’encouragent. Des réseaux exportent certaines de ces jeunes Marocaines vers les pays arabes du Golfe, réseaux qui trouvent une « place naturelle » dans la stratégie de développement dans la mesure où, à travers des prêts importants du FMI et de la Banque mondiale, « le Maroc est encouragé à développer ses industries du tourisme et du divertissement » dont la prostitution est « un des rouages ».

Cet ouvrage met sur la table des chiffres insupportables, des pratiques inadmissibles et une très large bibliographie. Il incite à la résistance contre la marchandisation des femmes et des enfants, imposée par « la dynamique de la mondialisation capitaliste ».

Françoise Escarpit

Rubrique Société

L’Humanité.

Article paru dans l’édition du 28 octobre 2005.

Publié avec l’aimable autorisation du journal l’Humanité.

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