Rwanda : la justice française saisie de la fuite de génocidaires permise par la France en 1994

Mercredi 24 février 2021

Rwanda : la justice française saisie de la fuite de génocidaires permise par la France en 1994

23 févr. 2021 Par Agence France-Presse

  • Mediapart.fr

Des associations et des rescapés du génocide au Rwanda demandent à la justice française d’enquêter sur les instructions données en 1994 par la France de ne pas interpeller les autorités responsables des massacres des Tutsi, selon leur courrier consulté mardi par l’AFP.

Des associations et des rescapés du génocide au Rwanda demandent à la justice française d’enquêter sur les instructions données en 1994 par la France de ne pas interpeller les autorités responsables des massacres des Tutsi, selon leur courrier consulté mardi par l’AFP.

Les avocats de Survie, de la Fédération internationale des droits de l’Homme et de six rescapés ont écrit en ce sens aux magistrats chargés de l’enquête sur les éventuelles responsabilités de l’opération militaro-humanitaire Turquoise lors des massacres de Bisesero fin juin 1994.

S’appuyant sur la révélation récente d’un télégramme diplomatique, ils demandent aux magistrats de relancer et d’élargir leurs investigations, en procédant notamment à l’audition d’Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères, et à celle de son conseiller de l’époque, Bernard Emié, actuel patron de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

Ce télégramme « confidentiel diplomatie » du 15 juillet 1994, signé par M. Emié, demandait au représentant du Quai d’Orsay auprès de l’opération Turquoise de transmettre aux responsables génocidaires, par des « canaux indirects », le « souhait qu’elles quittent la Zone Humanitaire Sûre » alors contrôlée par les militaires français.

« Vous soulignerez que la communauté internationale et en particulier les Nations Unies devraient très prochainement déterminer la conduite à suivre à l’égard de ces soi-disant autorités », poursuivait le texte.

Ce télégramme, dévoilé par Mediapart et consulté par l’AFP le 15 février, a été retrouvé dans les archives d’un conseiller du président François Mitterrand par le chercheur François Graner, membre de Survie.

Il était adressé à l’ambassadeur Yannick Gérard en réponse à sa demande sur le sort de ces autorités, qu’il suggérait d’arrêter ou de placer en résidence surveillée.

Les avocats demandent qu’il soit lui aussi entendu ainsi qu’Hubert Védrine, Secrétaire général de l’Elysée à l’époque des faits.

Ce télégramme « est indubitablement un nouvel élément » susceptible de relancer l’enquête, « notamment en ce qu’il met en lumière le soutien actif des plus hautes autorités françaises à des responsables rwandais », écrivent les avocats Eric Plouvier, Olivier Foks, Laure Heinich, Karine Bourdie, Patrick Baudoin et Michel Tubiana.

Ces parties civiles, qui accusent Turquoise d’avoir sciemment abandonné aux génocidaires des centaines de Tutsis des collines de Bisesero du 27 au 30 juin 1994, tentent depuis trois ans de relancer les investigations. Celles-ci ont été closes sans poursuites à l’été 2018, ouvrant la voie à un non-lieu qui n’a pas encore été prononcé.

Selon l’ONU, environ 800.000 personnes, essentiellement dans la minorité tutsi, ont été tuées en trois mois au Rwanda lors de massacres déclenchés après l’attentat contre l’avion du président Habyarimana le 6 avril 1994.

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