Scandale Wirecard : les poursuites s’accumulent contre l’auditeur EY

Dimanche 28 juin 2020

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Scandale Wirecard : les poursuites s’accumulent contre l’auditeur EY

Dans un scandale qualifié de « sans équivalent » par le gouvernement, les premières poursuites ont été lancées contre le cabinet de conseil, suite à la faillite retentissante du prestataire de paiements électroniques

AFP Publié dimanche 28 juin 2020 à 08:16 Modifié dimanche 28 juin 2020 à 08:16

Le géant mondial de l’audit Ernst & Young (EY) se retrouve entraîné à son tour par le scandale de la faillite de la société allemande Wirecard, dont il était chargé de vérifier les comptes.

L’association d’actionnaires allemands SdK a déposé une plainte au pénal contre deux auditeurs actuels et un ancien auditeur d’EY en Allemagne.

Wirecard, entreprise cotée au Dax à Francfort qui a déposé son bilan jeudi, est soupçonnée d’avoir gonflé ses comptes avec des fonds fictifs aux Philippines pour un montant d’1,9 milliard d’euros, représentant le quart de la taille de son bilan.

Un scandale sans précédent

Le ministre des Finances Olaf Scholz a parlé d’un « scandale sans équivalent dans le monde financier » et assuré un durcissement des contrôles du secteur encore peu surveillé des paiements électroniques.

Personne, ni les auditeurs, ni le gendarme financier allemand (Bafin), n’ont vu la catastrophe venir.

Pourtant, depuis 2015 la presse bruisse de rumeurs sur des irrégularités dans le modèle économique de Wirecard. Et le Financial Times avait au début de 2019 publiée une enquête poussée sur des soupçons de fraude en Asie. Sans conséquence.

Cette semaine le quotidien économique britannique a enfoncé le clou en accusant EY de ne pas avoir sérieusement fait son travail. Selon le journal, EY a omis de demander des informations bancaires cruciales à une banque de Singapour, où Wirecard affirmait détenir jusqu’à 1 milliard d’euros en espèces. Une procédure d’audit de routine pourtant.

La vérification de dépôts bancaires « est l’une des tâches les plus faciles » pour un auditeur comptable et se fait selon une « procédure très réglementée », accuse aussi l’association SdK au sujet d’EY.

Le cabinet d’avocats berlinois Schirp & Partner a entamé dès le début du mois de juin une action en justice visant EY. EY n’a pu certifier les comptes de Wirecard des années durant « sans une violation des obligations de contrôle d’un auditeur », accuse le cabinet sur son site.

Plongeon de l’action en bourse

Alors que l’action Wirecard a fondu de 98% ces dix derniers jours, ses actionnaires sont invités par le cabinet Schirp à se regrouper autour d’une action collective en justice visant EY.

Hors d’Allemagne, l’association d’investisseurs néerlandais European Investors (VEB) a invité EY à un arrangement amiable, faute de quoi elle menace elle aussi de poursuites, rapporte le quotidien allemand Handelsblatt.

Le cabinet d’audit, qui a refusé de certifier le bilan de la société pour 2019, a reconnu des « indices clairs d’une fraude de grande envergure, impliquant plusieurs parties dans le monde et diverses institutions, avec une volonté de tromperie ». Le problème : cette déclaration choc pourrait se retourner contre lui. Car EY, qui certifie depuis 2009 les comptes du groupe bavarois, se voit reprocher de ne pas avoir informé le public plus tôt des problèmes chez Wirecard, comme l’association VEB s’y emploie déjà.

Le rôle de Softbank

La firme d’audit doit aussi craindre les foudres de Softbank. Le conglomérat japonais compte poursuivre EY pour son rôle dans le scandale, selon l’hebdomadaire Der Spiegel.

Softbank avait acheté au printemps 2019 des obligations convertibles Wirecard pour un montant de 900 millions d’euros, s’attendant à investir dans une société fiable. Interrogée par l’AFP, EY a indiqué qu’aucune plainte ne lui était encore parvenue et ne pas être encore en mesure d’y répondre.

La comparaison s’impose de plus en plus en l’affaire Wirecard et la chute d’Enron au début des années 2000. Le groupe d’énergie américain, dont le cabinet d’experts comptables Arthur Andersen supervisait les comptes, avait maquillé son bilan avant de sombrer.

Arthur Andersen s’est retrouvé ensuite inculpé puis condamné pour obstruction à la justice, précipitant la chute de jadis la cinquième plus grosse société d’audit mondiale.

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