Affaire Karachi : procès en octobre pour les protagonistes du financement de campagne de Balladur

Dimanche 3 mars 2019

Affaire Karachi : procès en octobre pour les protagonistes du financement de campagne de Balladur

AFP Publié le 02/03/2019 à 21:12 | AFP

Dix-sept ans après l’attentat de Karachi, le premier procès : six protagonistes de cette affaire hors norme seront sur le banc des prévenus en octobre à Paris pour répondre des soupçons de commissions occultes en marge de la campagne présidentielle 1995 du Premier ministre d’alors Édouard Balladur.

Le 8 mai 2002, une voiture piégée précipitée contre un car transportant des salariés de la Direction des chantiers navals (DCN) - dont le siège est à Cherbourg (nord-ouest) - explosait dans le grand port du sud du Pakistan, faisant quinze morts dont onze employés français et en blessant douze autres.

Tous travaillaient à la construction d’un des trois sous-marins Agosta vendus en 1994 à ce pays par la France, sous le gouvernement Balladur.

L’enquête terroriste avait au départ privilégié la piste du groupe Al-Qaïda. Elle finira par s’en éloigner en 2009 et explore depuis les possibles liens, qui ne sont pas confirmés à ce jour, entre cette attaque et l’arrêt du versement de commissions après l’arrivée au pouvoir de Jacques Chirac en 1995.

Mais l’examen de ce mécanisme de rétrocommissions, noué en marge du contrat Agosta et de la vente de frégates à l’Arabie saoudite (contrat Sawari II), a conduit à révéler un possible financement occulte de la campagne de M. Balladur en 1995.

Pour examiner ce nouveau volet financier, une deuxième enquête avait été ouverte en 2011, déclenchée par des plaintes de familles représentées par l’avocat Olivier Morice.

En juin 2014, les juges Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire ordonnaient le renvoi en correctionnelle des principaux protagonistes

Cinq ans après et de nombreuses péripéties judiciaires plus tard, les six prévenus sont finalement convoqués du 7 au 31 octobre devant la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour être jugés pour « abus de biens sociaux » et « recel », a appris samedi l’AFP de sources concordantes.

Trois sont issus du monde politique : Nicolas Bazire, l’ex-directeur de campagne d’Édouard Balladur et aujourd’hui un des dirigeants du groupe de luxe LVMH ; Renaud Donnedieu de Vabres, un ex-conseiller du ministre de la Défense François Léotard ; Thierry Gaubert, alors membre du cabinet du ministre du Budget Nicolas Sarkozy.

Réseau K

Ils comparaîtront aux côtés de Dominique Castellan, un ancien patron de la branche internationale de la DCN (maintenant Naval Group) ainsi que de l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine et de l’intermédiaire espagnol d’origine libanaise Abdul Rahman Al Assir.

Ces deux derniers sont considérés comme des membres d’un réseau, le « réseau K », dont les juges d’instruction ont acquis la conviction qu’il a perçu l’équivalent de 327 millions d’euros de commissions.

Un réseau « inutile » et imposé en fin de négociations pour enrichir ses membres et financer par des rétrocommissions la campagne d’Édouard Balladur, selon les magistrats.

Ziad Takieddine avait concédé avoir financé cette campagne pour 6,2 millions de francs (moins d’un million d’euros), affirmant avoir été sollicité par Nicolas Bazire via Thierry Gaubert, ce que les deux hommes contestent.

L’enquête s’était notamment penchée sur les 10,2 millions de francs versés en espèces le 26 avril 1995 sur le compte de campagne de M. Balladur après sa défaite.

« Les familles des victimes attendent avec impatience ce procès », a réagi auprès de l’AFP Me Olivier Morice, et attendent « aussi que la CJR (Cour de justice de la République) puisse avancer sur la mise en cause de MM. Balladur et Léotard, qui fait irrésistiblement apparaître que nous sommes en présence d’une affaire d’Etat ».

« Les avocats de la défense ont multiplié les procédures, les appels et les pourvois en cassation pour que ce procès ne se tienne pas ou se tienne le plus tard possible ; ils ont finalement échoué », s’est félicité Me Marie Dosé, un autre avocat de parties civiles.

Le cas d’Edouard Balladur et de François Léotard, qui relèvent de la Cour de justice de la République, ont été disjoints.

L’ancien Premier ministre et son ministre de la Défense ont été mis en examen en mai et juillet 2017 pour « complicité d’abus de biens sociaux ». Nicolas Sarkozy, qui avaiit le portefeuille du Budget à l’époque, a pour sa part été entendu comme témoin par la CJR.

Le premier volet, dit terroriste, de l’affaire Karachi, est toujours entre les mains des juges d’instruction du tribunal de Paris. Aucune mise en examen n’a été prononcée à ce jour.

02/03/2019 21:12:07 - Paris (AFP) - © 2019 AFP

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