Londres exige un demi-milliard du fils Khrapunov ? Il contre-attaque à Genève

Jeudi 6 septembre 2018

Londres exige un demi-milliard du fils Khrapunov ? Il contre-attaque à Genève

Par Pierre-Alexandre Sallier 06.09.2018

Magnats kazakhs La High Court juge par défaut Ilyas Khrapunov dans le scandale BTA Bank. L’homme d’affaires genevois d’origine kazakhe en appelle à la justice suisse.

C’est ce que l’on appelle un jugement foudroyant. Dans une décision datée du 21 juin, mais rendue publique il y a seulement quelques jours seulement, la Cours suprême londonienne a condamné, par contumace, l’héritier d’une richissime famille d’exilés kazakhs à Genève à verser 571 millions de dollars de dommages et intérêts à la banque d’État kazakhe BTA.

Ilyas Khrapunov, qui a fait appel de ce jugement, est accusé d’avoir aidé l’ancien responsable de la BTA Bank – son beau-père Mukhtar Ablyazov, principal opposant au régime d’Astana – de cacher quelque six milliards de dollars détournés par ce dernier. Le « Times » évoque « l’un des plus grands procès pour escroquerie » Royaume-Uni.

« Escroquerie internationale »

La décision marque un tournant dans la guerre judiciaire menée depuis près de dix ans à l’encontre de Mukhtar Ablyazov, actuellement en exil en France. Au Royaume-Uni la justice a déjà ordonné la saisie de plus de 4,5 milliards de dollars à son encontre depuis 2012.

C’est désormais son gendre, acteur de la scène immobilière et politique genevoise, qui est visé. Ce dernier est accusé par les magistrats britanniques de « complicité dans la violation du séquestre apposé sur ces fonds », afin de permettre à Mukhtar Ablyazov d’en éviter la saisie. Sa condamnation par défaut tient à son refus de se rendre aux audiences londoniennes sur ce qui est qualifié de « vaste escroquerie de portée internationale » par la High Court.

« Caisse d’enregistrement »

Aux yeux d’Ilyas Khrapunov, la justice britannique « n’a rien tranché sur le fond » et s’est comportée comme une « simple guichet d’enregistrement » des accusations de la banque étatique kazakhe. « Le régime de Nazarbaiev (Ndlr : l’homme régnant sur le pays depuis la chute de l’URSS) instrumentalise sans relâche le système judiciaire occidental, afin de mettre à terre et d’épuiser financièrement ses principaux opposants – en particulier mon beau-père », explique le jeune homme, rencontré cette semaine dans un café genevois.

Pourquoi ce dernier ne s’est-il pas rendu à Londres, suite aux demandes reçues dès 2016, ce qui aurait pu lui éviter un jugement par défaut ? « Le régime kazakh m’a placé sur les listes d’Interpol et ma sécurité est en jeu dès que je passe une frontière – avec le risque d’une déportation au Kazakhstan », répond celui qui a longtemps été actif au sein du Parti démocrate-chrétien (PDC) genevois.

Installé à Genève depuis son enfance, Ilyas Khrapunov rappelle que la justice helvétique a déjà rejeté une demande d’extradition à son encontre. À ses yeux, les menaces ayant pesé sur son beau-père – que Paris a refusé de livrer à Astana en 2016 – et l’exfiltration par Rome de sa belle-mère vers Astana, avec sa fille trois ans plus tôt, ne laissent aucun doute sur les intentions des services kazakhs à son encontre.

Des menaces sur sa personne qui n’ont apparemment pas impressionné les juges britanniques, qui ont refusé d’entendre Ilya Khrapunov par vidéoconférence, ce qui serait revenu, selon eux, « se plier à son chantage ».

Le sauveur de Genève-Plage

« Cette affaire doit être jugée en Suisse, où je pourrai prouver l’inanité des accusations kazakhes », martèle pourtant cet entrepreneur qui, un temps, était prêt à investir 150 millions pour transformer Genève-Plage en un complexe de loisir. Afin de tenter d’enrayer la décision britannique, ses avocats font déposer dans les prochains jours une « action en constatation négative » en Suisse ; une procédure validée il y a quelques mois dans un conflit entre le groupe Swatch et un fournisseur britannique.

En attendant, Ilyas Khrapunov, qui assure « n’avoir pas le dixième » des montants qui lui sont réclamés verra l’ensemble de ses biens traqués par la justice britannique. « Cette décision ne vise pas le patrimoine de ma famille », précise celui dont la vie est monopolisée par sa défense et celle de ses proches.

Il est vrai que la justice kazakhe poursuit, depuis 2010 en Suisse, la fortune de son père Viktor et de son épouse Leila – accusés de détournement de fonds publics – dans le cadre de procédures parallèles. Huit ans ont passé. L’instruction de cette affaire a, aux dernières nouvelles, été transférée à une nouvelle magistrate genevoise, après le départ à la retraite du procureur Schmid.

(24 heures)

Créé : 06.09.2018, 10h41

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