Françafrique

Vendredi 1er novembre 2002 — Dernier ajout vendredi 22 juillet 2011

Nous reproduisons, sous sa signature et sous sa responsabilité, un message envoyé le 4 octobre à Mme Élisabeth Borrel par un ancien membre de la Garde présidentielle djiboutienne, via le site de l’Association pour le respect des droits de l’Homme à Djibouti (ARDHD). Une pièce de plus dans un dossier que beaucoup aimeraient voir refermé.

« M. Bernard Borrel était […] conseiller du Ministre de la Justice [de Djibouti], M. Moumin Bahdon. […]

Le juge Borrel s’intéressait à plusieurs affaires de corruption qui touchaient des hommes politiques djiboutiens et français. Ce Juge enquêtait sur deux affaires sérieuses.

1) La Banque Al Barakat.

Le juge voulait découvrir les raisons pour lesquelles la Banque Al Barakat avait fait faillite et où étaient passés non seulement les 600 millions de Fr Dj [francs djiboutiens] que l’État devait à la société Mobil Oil mais aussi l’aide française de 16 millions de F Fr [francs français] qui a été détournée de la BCI. Le juge voulait aussi mettre en évidence le détournement de certaines marchandises au port de Djibouti : celles fournies dans le cadre du Programme alimentaire mondial.

Il avait en sa possession une lettre de l’ambassadeur M Martin Charles où était reprise la liste des personnalités djiboutiennes impliquées dans ces détournements. L’affaire du blanchissement d’argent réalisé par des Français dont un certain René Gastaldi, arrêté par la Gendarmerie de l’ile de la Réunion, Français, mais qui résidait à Djibouti et qui avait des liens étroits avec le chef de la SDS [la police politique] à l’époque qui n’était autre que M. Ismail Omar.

La liste était en possession du Juge Borrel. M Jean-Claude Sapkas, conseiller juridique de Gouled, dès l’annonce du décès du Juge, est venu au domicile de la famille Borrel à Djibouti pour chercher cette liste. Qu’y avait-il sur cette liste ? Des noms d’hommes d’affaires français, proches de la Présidence, en l’occurrence Mes Martinet, Montagné ainsi que Mourad Farah qui était au Ministère des Affaires étrangères. La SDS et la Prévôté recherchent aujourd’hui cette fameuse liste. En effet, sa publication serait plus que désastreuse pour Guelleh ….

Le juge Borrel voulait en savoir trop, en particulier sur les liens entre IOG [Ismaël Omar Guelleh, l’actuel Président] et la société française Sogelec et sur le pot-de-vin que cette société lui a remis, en l’occurrence à hauteur de 48 023 596 F FR.

Le juge détenait la preuve que le deuxième versement qu’elle devait remettre à IOG s’élevait à 801 000 000 F DJ. IOG s’est servi de l’entreprise Chideh pour effectuer la transaction, sur le compte ouvert à la BCI sous le numéro 14 724 HSA 37. Le Juge Borrel savait que cette société donnait de l’argent mais qu’en contrepartie, IOG lui procurait de nombreux avantages.

2) L’affaire du Café de Paris.

Le juge voulait savoir qui avait commandité l’attentat du Café de Paris et les raisons pour lesquelles des innocents avaient été torturés sans le moindre début de preuve.

Souvenons-nous. C’est le 27 septembre 1990 que l’attentat est commis à Djibouti-Ville. Il provoque un mort, en l’occurrence le fils de l’Adjudant-Chef Nervet et 11 blessés. Il est revendiqué ensuite par une mystérieuse organisation qui déclare être le mouvement de la jeunesse arabe djiboutienne (une association complètement bidon imaginée et créée de toutes pièces par IOG).

Le tract est trouvé dans un taxi. La SDS et la gendarmerie arrêtent alors des centaines de Djiboutiens appartenant à l’ethnie des Gadaboursi. J’ai refusé de participer aux recherches et le colonel Hoche m’a fait affecter à Tadjourah. Le juge Borrel avait des preuves tangibles qui pouvaient lui permettre d’inculper l’actuel homme fort de Djibouti !

Le Juge Borrel travaillait en liaison étroite avec le Juge Le Loire qui instruisait le dossier de l’attentat du Café de Paris. […] Je tiens à demander à Monsieur Le Loire qui semblait être la seule personne (en dehors du Juge Borrel) à détenir ces informations, comment il peut expliquer qu’IOG ait été informé des détails, pratiquement heure par heure ? Qui, à par vous, détenait ces informations qui ont été transmises manifestement à la Présidence ? […]

Le Ministre Moumin Bahdon ne peut pas parler et dire ce qu’il sait sous peine de subir le même sort qui a été réservé récemment au Major Daheiyié sur la plage de Doraleh et avant au Commissaire Abdillahi de la SDS tué prés du cimetière d’Ambouli parce qu’il savait trop de choses sur l’attentat du Café de Paris. […]

Beaucoup de Juges français sont passés à Djibouti, avant et après [… le juge Borel]. On ne les a pas tués ! Pour quelles raisons le juge Borrel spécifiquement ? Parce qu’il savait beaucoup de choses qui pouvaient mettre en danger les relations pourries qui liaient les dirigeants français et djiboutiens. […]

Aujourd’hui des centaines de gens réclament la vérité et rien que la vérité. » (Hassan MOUSSA dit Ariko, ancien sergent de la Garde présidentielle djiboutienne, 04/10/2002).

[Le 2 octobre, Élisabeth Borrel, veuve de Bernard, a demandé l’audition du Président djiboutien, en visite officielle à Paris, par la juge d’instruction Sophie Clément, en charge du dossier de la mort du coopérant. Ismaël Omar Guelleh n’a pas répondu à la citation. Questionné à ce sujet lors d’une conférence de presse, il s’est vivement emporté ; il a proféré des menaces et des injures dans sa langue natale, avant de s’éclipser. Atteint par le “syndrome du Beach” ? (AFP, 02/10/2002 ; La Liberté, 06/10/2002).]

Extrait de Billets d’Afrique et d’Ailleurs N°108 - Novembre 2002 -

Billets d’Afrique et d’Ailleurs est la revue mensuelle éditée par Survie.

Publié avec l’aimable autorisation de l’Association Survie.

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