Affaire des Comores. Les secrets d’un coup tordu / L’Afrique en voie de malversation

Vendredi 15 juin 2007 — Dernier ajout vendredi 22 juillet 2011

Le Point, Affaire des Comores. Les secrets d’un coup tordu, 06/01/1996 (Paul GUERET) confirme notre analyse de novembre (n° 28) sur les cautions parisiennes de l’opération Denard. Il cite des noms et des institutions : le général Paul Aussaresses de l’association d’anciens des services spéciaux Bagheera, de « jeunes anciens » du 11e Choc (le service Action de la DGSE), des 2e et 4e RIMA, du 6e RPIMA, les Comoriens Abba Youssouf et Saïd Hillali. Les mercenaires ont été « réceptionnés » à Moroni par les militaires de la DGSE officiellement affectés à la protection du président Djohar : l’adjudant Ruby, du 11e Choc et, probablement, le capitaine Jean-Luc Kister, ex-plastiqueur du Rainbow Warrior. Denard a négocié sa « reddition » avec le général Germanos, ancien patron du 11e Choc, et chef du cabinet militaire du ministre de la Défense Charles Millon.

Conclusion de l’article : « Cherchez l’erreur… ».

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Croissance, L’Afrique en voie de malversation, 1/1996 (Jean-François BAYART) : « Selon Libération, [l’aventure de Bob Denard aux Comores] avait pour enjeu le contrôle d’un casino et du circuit de blanchiment de l’argent sale qu’il abritait. Un groupe sud-africain et un réseau proche d’un ancien ministre de l’Intérieur français se seraient livré une âpre lutte pour s’emparer de ce maillon de l’économie internationale du crime.

L’hypothèse n’est pas aussi rocambolesque qu’il y paraît. Les Comores sont un haut-lieu de trafic depuis des lustres, et les Seychelles, la Somalie de l’ancien dictateur Syad Barre, le Libéria de feu Samuel Doe ont très tôt exploré les possibilités offertes par le milieu italien. N’oublions pas que certains responsables de la loge P2 avaient trouvé refuge à Mogadiscio et que Paretti a fait ses premières armes à Monrovia. […]

[L’Afrique] présente la particularité d’être la dernière région du monde dominée par des transactions en cash sans pour autant être coupée du système financier international, grâce notamment à la convertibilité du franc CFA.

Dépourvue de vraies institutions bancaires, privée de procédures fiables de certification des comptes des entreprises, l’Afrique noire peut vite devenir une voie royale du recyclage de l’argent mal acquis.

Placée sous cet éclairage, l’épopée de Bob Denard apparaît moins comme le chant du cygne […] d’un mercenaire en fin de carrière que comme un signe avant-coureur. L’erreur […] serait d’opposer le cours aberrant des Etats malfaiteurs au redressement vertueux d’autres pays. […] Il n’est pas exclu que la croissance ivoirienne se nourrisse de la guerre mafieuse du Libéria, et la Guinée équatoriale peut rendre bien des services aux dirigeants peu scrupuleux de l’Union monétaire d’Afrique centrale ».

[Au Libéria, justement, « il y a quelques années, le transit du ravitaillement en armes de M. Charles Taylor, via le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire » - où l’actuel Monsieur Afrique de l’Elysée, Michel Dupuch, était ambassadeur de France -, s’opérait « sous un discret parrainage français » (Philippe LEYMARIE, Le Monde diplomatique, 01/1996). Il n’est pas besoin de rappeler la collection de crimes contre l’humanité dont le passé de M. Taylor est riche…

En Somalie, les dérives mafieuses de la coopération italienne ont été interrompues par l’opération « mains propres ».

En France, le premier président de la Cour de Cassation, Pierre Drai, vient d’assurer qu’il croyait « profondément » que ses collègues ne se livreraient pas à une telle opération. Et le procureur général de Paris a fait « une mise en garde aux magistrats qui déstabilisent la vie économique » (Libération, 15/01/1996). De ce côté, la France à fric est bien gardée].

Extraits de Billets d’Afrique et d’Ailleurs N°31 - Février 1996 -

Billets d’Afrique et d’Ailleurs est la revue mensuelle éditée par Survie.

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