Fraude fiscale : chez les Wildenstein, l’argent est l’affaire des hommes

Vendredi 30 septembre 2016

Fraude fiscale : chez les Wildenstein, l’argent est l’affaire des hommes

Actualité Société

Par AFP , publié le 29/09/2016 à 21:11 , mis à jour à 21:11

Paris - D’un côté Guy l’Américain, Peter le Suisse, et les mânes des patriarches défunts ; de l’autre Liouba la Russe, le fantôme d’une veuve spoliée et des héritières passives : chez les Wildenstein, poursuivis pour fraude fiscale, l’argent est l’affaire des hommes.

« Nein ! », « Niet ! » : Liouba Stoupakova, veuve d’un héritier de la famille, Alec Wildenstein, fait face à Peter Altorfer, avocat de Zürich. Ils sont deux des huit prévenus du procès pour fraude fiscale et blanchiment aggravé.

Au cœur de l’affaire, il y a des « trusts », dont le président Olivier Géron dit qu’ils sont « dans l’ADN » de la richissime lignée de marchands d’art Wildenstein.

Dans ces discrètes sociétés domiciliées aux Bahamas ou à Guernesey est logé l’essentiel du patrimoine du clan, loin des regards du fisc : des tableaux (Bonnard, Fragonard, Caravage) ou encore de l’immobilier, pour plusieurs milliards d’euros.

L’un de ces « trusts » a été créé par Alec Wildenstein pour sa seconde épouse, sculpteur d’origine russe Liouba Stoupakova.

Mme Stoupakova ne découvre le montage qu’au décès de son mari en 2008. A entendre cette quadragénaire vêtue de sombre, visage lisse et longs cheveux répandus sur les épaules, accéder à ces fonds s’est révélé « cauchemardesque ». « J’étais complètement dépendante », dit la veuve, poursuivie pour blanchiment.

Elle en veut à M. Altorfer, poursuivi pour complicité de fraude fiscale et blanchiment aggravé. Il était « protecteur » des « trusts » des Wildenstein, en clair grand argentier de la famille.

Liouba Stoupakova assure que son versement mensuel de 50.000 euros effectué par le « trust » s’est interrompu en septembre 2009.

"Ensuite plus rien’ demande le président.

  • Niet.«  »C’est un mensonge« , rétorque M. Altorfer. Il raconte que la veuve ne cessait de l’ »agresser« et qu’elle n’avait pas supporté que son mari, avant de mourir, décide d’ajouter un bénéficiaire au »trust« litigieux, son petit-fils Noah. »Son objectif, c’était Noah raus (dehors, en allemand) !", lance le grand Suisse, tout en agacement rentré.

Liouba Stoupakova refait ses calculs. Elle dit avoir reçu depuis 2008 « une fois 400.000 euros, une fois 600.000 euros, un million, encore un million. »

« J’ai dû attendre un an (pour que le trust) me donne 30.000 euros pour réparer ma chaudière à Paris », dit-elle, s’énervant dans un très bon français.

« Je ne suis pas sûre qu’on place au même niveau le cauchemardesque », soupire le président.

  • « Mâles » et « femelles » -

Arrive à la barre Alec Junior, fils du premier mariage d’Alec.

Sans un regard pour sa belle-mère, le jeune homme barbu, qui habite un somptueux ranch familial au Kenya, explique : « Mon père m’avait dit +j’ai tout organisé indépendamment de ma femme, elle ne t’embêtera jamais+ ».

Si Alec Junior comparaît, sa soeur n’a, elle, pas été poursuivie.

Il semble y avoir chez les Wildenstein deux types de femmes.

D’abord les héritières directes, et discrètes. La soeur d’Alec Junior, donc, ou celle du patriarche Daniel, mort en 2001, qui très vite « disparaît du paysage », constate le président.

Et les secondes épouses. Liouba, mais aussi Sylvia, veuve de Daniel, écartée de la succession. Les deux se sont rebellées et ont permis à l’affaire de prendre un tour judiciaire.

« J’ai eu le sentiment que les hommes et les femmes n’étaient pas forcément considérés de la même manière dans le fonctionnement familial », constate le président.

  • « Je crois que vous vous trompez. (Le patriarche Daniel) n’a fait aucune différence entre petits-enfants mâles et petits-enfants femelles », répond Guy Wildenstein, principal héritier et principal prévenu.

L’adjectif fait rire la salle. C’est une maladresse inhabituelle pour l’homme d’affaires résidant à New York : son français est aussi impeccable que ses complets.

Pourtant Guy Wildenstein se définit comme « un Américain », et c’est pourquoi la création en pagaille de « trusts » - structures de droit anglo-saxon - par son grand-père, son père et son frère ne le « surprenait pas ».

« Votre père vous a-t-il dit quelle était sa motivation’ » pour créer ces sociétés aux quatre coins des paradis fiscaux, peu avant sa mort, demande le président.

  • « Mon père était un homme de peu de mots », répond Guy Wildenstein. Lui-même est plutôt laconique.

Le procès est prévu jusqu’au 20 octobre.

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