Le dossier Halliburton fait un détour par l’Allemagne

Vendredi 18 mai 2007

Le dossier Halliburton fait un détour par l’Allemagne

CORRUPTION

Le groupe français de BTP Spie Batignolles a porté plainte pour escroquerie.

E. D.

[13 janvier 2005]

L’enquête pour « corruption » menée à Paris par le juge Renaud Van Ruymbeke, impliquant le groupe américain Halliburton et le français Technip associés dans la construction d’un complexe gazier au Nigeria, se prolonge désormais en Allemagne.

Les services du procureur de la République examinent depuis quelques semaines une plainte avec constitution de partie civile déposée par Spie Batignolles Travaux publics (SBTP) pour escroquerie visant Bilfinger-Berger, numéro 2 allemand du BTP, et l’avocat britannique Jeffrey Tesler. Entendu à plusieurs reprises par le juge Van Ruymbeke, celui-ci a été mis en examen au printemps dernier pour « corruption d’agent public étranger ».

En substance, Spie Batignolles accuse dans sa plainte Bilfinger de l’avoir « trompée », afin qu’elle verse des « sommes très importantes à la société Tristar » de Jeffrey Tesler, dont « la mission de consultant était sinon inexistante (…) au moins pour partie fictive ». Entre octobre 1996 et janvier 1998, Spie Batignolles aurait ainsi déboursé 6 millions de Deutschmarks, soit 3 millions d’euros en faveur de Jeffrey Tesler.

L’histoire se noue au milieu des années 1990. Un consortium composé de Technip, de l’italien Snamprogetti, de l’américain Kellog Brown and Root (KBR, principale filiale d’Halliburton) et du japonais JGC, est chargé de la construction du complexe gazier de Bonny Island au Nigeria. L’union est baptisée TSKJ. Sur cet aspect du dossier, l’enquête judiciaire a montré que TSKJ a réglé frauduleusement quelque 150 millions de dollars à Jeffrey Tesler, une part de l’argent étant ensuite versée à des dignitaires nigérians ainsi qu’à d’anciens hauts cadres de KBR.

Une fois le marché nigérian remporté, TSKJ se tourne vers des sous-traitants. Le 7 août 1996, un accord de « joint-venture » est signé entre Spie Batignolles et Bilfinger-Berger pour la construction de bâtiments en marge de la réalisation du complexe, d’un montant de 100 millions d’euros. Le groupe allemand joue le rôle de leader et en assume seul la gestion ainsi que les relations avec les prestataires de services.

C’est à ce titre que des factures sont ensuite présentées par Bilfinger-Berger à Spie Batignolles pour régler les prestations de Tristar, en tant que société de conseil. Spie va les payer jusqu’en 1998. Ensuite le groupe français de BTP a envoyé plusieurs demandes de renseignements sur les prestations de Tristar à Bilfinger. Selon les documents que Le Figaro a pu consulter, aucune réponse précise n’aurait été apportée par la société allemande. Plus étrange encore, le 19 mai 1998, c’est Jeffrey Tesler qui écrit à Spie Batignolles : il propose un rendez-vous à la direction du groupe français pour lui expliquer sa mission. Sa missive est rédigée sur du papier à lettre de son cabinet d’avocats londonien et non sur celui de la société Tristar.

Courant 1998, la rupture entre Spie et Bilfinger est consommée. Le groupe français est définitivement écarté de l’opération nigériane et perdra même la procédure arbitrale qu’il avait engagée.

L’affaire en était restée là jusqu’à ce qu’une enquête judiciaire soit ouverte en 2003. « En retrouvant dans la presse le nom de Jeffrey Tesler, Spie a décidé de déposer plainte, explique Me Francis Vuillemin l’avocat de la société. Elle veut savoir pourquoi de l’argent a été versé et surtout qui en a bénéficié. » Dans un communiqué de son porte-parole, Bilfinger-Berger ne conteste pas avoir rémunéré Jeffrey Tesler mais pour des prestations réelles.

Pour l’heure, le parquet de Paris étudie les aspects juridiques de la plainte avant que les éléments soient communiqués au juge Van Ruymbeke.

© Le Figaro.

Publié avec l’aimable autorisation du journal Le Figaro.

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