L’ombre des paradis fiscaux plane sur le procès « Angolagate »

Mercredi 29 octobre 2008 — Dernier ajout mercredi 27 septembre 2017

Publié le 28/10/2008 à 17:01 Reuters

L’ombre des paradis fiscaux plane sur le procès « Angolagate »

Les paradis fiscaux, épinglés dans le débat international sur la crise financière, ont été mardi à Paris au cœur du procès de l’« Angolagate », l’affaire des ventes d’armes à l’Angola pour laquelle 42 suspects sont jugés.

Lors de la 11e audience, le tribunal s’est intéressé aux dizaines de comptes bancaires auxquels avait accès Pierre Falcone, principal suspect poursuivi pour une vente d’armes présumée illicite de 790 millions de dollars à l’Angola en 1993-1998 et la constitution d’un réseau d’influence politique en France.

Le tribunal a dit s’interroger sur les dizaines de sociétés du « groupe Brenco » que Pierre Falcone revendique, car il n’a pu être retrouvé aucun document attestant de leur existence, tels que procès-verbal d’assemblée générale ou compte de résultats, a remarqué le président Jean-Baptiste Parlos.

« Mais en revanche on a retrouvé beaucoup de comptes bancaires. C’est déjà ça… », a dit le magistrat, avant d’énumérer les dizaines de comptes recensés par la police sur l’Ile de Man - paradis fiscal off-shore rattaché au Royaume-Uni - , aux Iles Vierges britanniques, en Suisse, en Colombie, au Luxembourg, aux Bahamas.

Pierre Falcone avait accès personnellement à tous ces comptes, où sont parvenus les 177,841 millions de dollars représentant son bénéfice personnel sur la vente d’armes, selon le dossier lu par le président. Son associé Arcady Gaydamak, en fuite en Israël, a perçu de son côté 219,727 millions par des biais similaires.

Les interrogations sur l’activité réelle des sociétés de Pierre Falcone, installées dans le monde entier et immatriculées aussi dans des paradis fiscaux, ont donné lieu à des échanges tendus.

DÉMINAGE

Pourquoi y avait-il deux Brenco Trading Limited, une à l’Ile de Man, une aux Iles Vierges, par où ont transité les flux financiers liés aux ventes d’armes ?, a demandé le président.

« Je ne peux pas répondre à cette question », a dit Pierre Falcone, évoquant le secret-défense angolais auquel il affirme être tenu.

Il a affirmé avoir des affaires dans l’emballage et les fruits au Brésil, les hôtels en Colombie, le métro au Mexique, les achats d’espaces publicitaires, « l’électromagnétique sismique », les « biens alimentaires d’urgence » et même le « déminage » en Angola.

Aucune preuve de la véracité de ces activités ne figure au dossier, a remarqué le tribunal, qui a tiqué sur le « déminage », étant donné qu’il est démontré par l’enquête que Pierre Falcone a vendu des mines antipersonnel au gouvernement de ce pays.

« Oui, nous avons aidé le gouvernement angolais à avoir accès à toutes les options valables sur ce marché (du déminage, ndlr) et avons créé une cellule d’écoute et de veille », a assuré Pierre Falcone.

Le « déminage » figurait parmi les activités mentionnées sur une plaquette de présentation saisie au siège de Brenco à Paris, mais pas la vente d’armes, a relevé le président. Aucun organigramme du « groupe » Brenco n’a en revanche été retrouvé.

Poursuivi aussi pour fraude fiscale en France, Pierre Falcone a expliqué avoir payé beaucoup d’impôts au Brésil et maintient avoir fait des affaires honnêtement.

« J’ai peut-être fait des erreurs dans certaines stratégies commerciales, mais je n’ai jamais eu la volonté délibérée de vivre sur le dos des autres », a-t-il dit.

Le procès se poursuit mercredi.

Thierry Lévêque, édité par Sophie Louet

© REUTERS

Publié avec l’aimable autorisation de l’Agence Reuters.

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