A Vaduz, calme de façade

Samedi 8 mars 2008

reportage

A Vaduz, calme de façade

Champion du PIB par habitant, le Liechtenstein veut préserver son système bancaire.

Envoyée spéciale à Vaduz Nathalie Versieux

QUOTIDIEN : jeudi 6 mars 2008

Extraits de l’article mis en ligne sur le site du journal Libération :

Le temps est changeant au-dessus de Vaduz en ce début mars. La météo semble assortie à la politique… Un rayon de soleil illumine l’or des forsythias. En arrière-plan, de lourds nuages noirs assombrissent la forteresse moyenâgeuse de la famille princière qui surplombe la ville et la vallée depuis son rocher. La petite principauté a basculé dans le scandale depuis que les enquêteurs allemands ont, le 15 février, pénétré au domicile et au bureau de Klaus Zumwinkel, le patron démissionné depuis de la Deutsche Post, l’un des 600 contribuables allemands à figurer sur un fichier volé à la Liechtenstein Global Trust Bank (LGT).

Fortune récente. « La colère se mêle à l’inquiétude », avoue, pensif, Paul Vogt, l’un des trois députés de l’opposition au parlement de Vaduz. Ce jour-là, le journal national consacre sa une à la manifestation d’une trentaine de militants étrangers d’Attac à Vaduz, venus protester contre les paradis fiscaux en Europe, et à la contre-manifestation « spontanée et pacifique » d’habitants en colère. « On ne sait pas encore quelles seront les répercussions de cette affaire sur l’économie nationale, regrette le député. Les gens ont peur de perdre leur confort social. »

Les Liechtensteinois ont de la marge : le PIB par habitant est le plus élevé du monde, à 110 000 euros par salariés et par an. Un professeur de lycée en fin de carrière gagne 7 000 euros par mois ; une bibliothécaire environ la moitié. La fortune du Liechtenstein est récente, et cela se sent.

Cet Etat de poche logé le long du Rhin entre la Suisse et l’Autriche a tourné le dos à la fin de la guerre à son statut de nain agricole pour devenir un poids lourd de la finance internationale, grâce à l’évasion fiscale et aux talents du « Saint inviolable », comme le nomme la Constitution. Le Prince Hans-Adam II, un habile expert financier a su édifier la richesse de son pays sur la base de sa fortune personnelle (estimée à 3 milliards d’euros) et de la LGT, propriété de la famille régnante et première banque du pays. Le Liechtenstein compte aujourd’hui 15 établissements bancaires, plus de 300 administrateurs de biens, 50 000 fondations et 20 000 sociétés boîtes aux lettres. Le tout pour 35 000 habitants. Grâce à une législation attractive (voir page 3), la banque et les services financiers emploient 14,3 % de la population active, et génèrent 30 % du PIB de 2,7 milliards de dollars.

Malgré, la chape de plomb qui s’est abattue sur le pays, quelques voix évoquent timidement la nécessité de moderniser et rénover le système bancaire, pour sauver ce qui peut encore l’être. Déjà, avant la crise du fichier volé à la LGT, la place bancaire du Liechtenstein était en perte de vitesse. « Le système des fondations au Liechtenstein, longtemps prisé des banques suisses pour gérer la fortune de leurs clients, est sur le déclin depuis un moment déjà, estime un conseiller financier suisse. Les trusts anglo-saxons s’imposent de plus en plus comme la solution universelle. Quant aux fondations, les personnes fortunées préfèrent de plus en plus souvent celles du Panama à celles du Liechtenstein. »

Pouvoirs limités. Membre de l’Espace économique européen depuis 1995, le Liechtenstein a néanmoins de plus en plus de mal à résister à la pression de l’Union. « Il est inacceptable qu’un pays européen s’enrichisse au détriment des autres en encourageant l’évasion fiscale », s’étrangle-t-on à Berlin, au ministère des Finances. « Le processus de réformes est déjà engagé, et je maintiens que ce processus se poursuivra, a répondu le chef du gouvernement Otmar Hasler qu’Angela Merkel avait reçu à Berlin le 20 février. Mais personne ne peut nous demander de faire plus que la Suisse ou l’Autriche en matière de secret bancaire… »

Ses pouvoirs sont de toute façon limités, surtout depuis que le prince a fait passer en 2003 une réforme de la Constitution lui permettant de mettre son veto à tout texte voté par le Parlement.

Lire la suite de l’article sur le site du journal Libération.

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