Vers la fin du secret bancaire, ennemi de nos démocraties

Mardi 4 novembre 2014

Vers la fin du secret bancaire, ennemi de nos démocraties

Eliane Jacquot / Financial Controller | Le 03/11 à 15:59

Un accord d’échange automatique d’informations financières a été adopté à Berlin ce 29 octobre 2014, sous l’égide du Forum Fiscal Mondial, émanation de l’OCDE.

Quatre-vingt-neuf signataires (1) parmi les participants, pays membres de l’OCDE, du G20, ainsi que de grands centres financiers offshore se sont engagés à mettre fin au « secret bancaire » d’ici à 2017-2018, c’est-à-dire demain. La Suisse, le Luxembourg, l’Autriche et aussi les Émirats arabes unis jusqu’alors à l’écart , ont rejoint les signataires.

C’est une avancée considérable en termes de lutte contre l’évasion fiscale

Rappelons ici que les délits financiers tels que l’évasion fiscale, la fraude fiscale des entreprises multinationales et des particuliers, le blanchiment d’argent sale ont tous un véhicule commun, les comptes bancaires domiciliés dans des principautés attachées au secret bancaire (Liechtenstein, Hong Kong, Singapour…) ou des paradis fiscaux (Îles Caïmans, Bermudes, Îles Anglo-Normandes…).

La lutte contre ce type de délinquance est rendue complexe avec le développement de moyens de transfert ultra-rapides et la dématérialisation qui rendent quasiment indétectables toutes sortes de mouvements de capitaux qu’il devient plus facile de recycler, ce qui est l’objectif ultime des criminels. Le nouveau standard d’échange d’informations de l’OCDE couvre, non plus seulement les comptes d’épargne, mais tous les revenus financiers attachés:dividendes, plus values…

[…] En votant unilatéralement la loi « Fatca » (2) dès 2010, les États-Unis avaient déclenché le processus. Ils n’étaient pas présents à Berlin, peut-être ne désiraient-ils pas supprimer les avantages fiscaux consentis à des non-résidents cachés derrière des sociétés-écrans basées au Delaware ?

Ces mesures restent cependant incomplètes, sans la mise en œuvre de pressions économiques et politiques aux niveaux nationaux et entre les pays signataires dans cette bataille contre la fraude et l’évasion fiscale.

[…] Car les sommes dissimulées dans les paradis fiscaux sont considérables, 5 800 milliards d’euros, soit 8 % du patrimoine financier des ménages d’après Gabriel Zucman, expert en la matière. D’après lui, qui a disséqué les circuits de la fraude, sans le secret bancaire, la dette publique française serait de 70 % du PIB et non pas de 94 % (Chiffres 2013), permettant de renverser la spirale de l’austérité dans laquelle la France et la majorité des pays de l’Europe du Sud sont piégés. C’est un élément indispensable dans la poursuite de la bataille contre l’évasion fiscale.

Il va falloir aussi vérifier que la fraude des particuliers ne se déplace pas vers d’autres contrées, ou sous d’autres formes, à l’aide des schémas sophistiqués mis en place par des avocats fiscalistes à l’imagination débridée. Il va falloir aussi faire évoluer le sujet de l’optimisation fiscale des entreprises multinationales. Concrètement, l’OCDE a été mandatée par le G20 pour mettre en œuvre, dès 2013, un plan dénommé BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) destiné à lutter contre le déplacement artificiel des profits vers les territoires où ils sont le moins taxés.

Au niveau européen, il va falloir songer à mettre en place une harmonisation fiscale en matière de taxation du capital au niveau de l’impôt sur les sociétés, le taux restant à définir. On a aussi pu constater qu’un des moyens de fraude en Europe consistait pour des entreprises à se faire rembourser de la TVA dans des transactions intracommunautaires virtuelles.

Ce fléau pourrait être éradiqué en changeant les règles relatives à la TVA intracommunautaire, car il semblerait que Bercy se fasse escroquer chaque année de l’équivalent de 10 milliards d’euros par l’intermédiaire de ce type de pratiques mafieuses, alors que d’autres pays comme la Belgique ont mis au point des méthodes de détection efficaces.

Il apparaît ainsi que la volonté politique au niveau des nations soit primordiale dans cette bataille contre la fraude et l’évasion fiscales et nos dirigeants devraient aborder ce combat sous l’angle d’une nécessaire moralisation de la production et de la circulation des richesses et non pas seulement sous un angle purement financier.

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-117688-vers-la-fin-du-secret-bancaire-ennemi-de-nos-democraties-1060396.php?iPtYgmHzwj32VRYg.99

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