« Une formidable opportunité d’enterrer le modèle économique des paradis fiscaux »

Samedi 5 juin 2021

Opinions Tribunes

« Une formidable opportunité d’enterrer le modèle économique des paradis fiscaux »

Tribune

José Antonio Ocampo

Professeur à l’Université de Columbia

L’économiste colombien José Antonio Ocampo appelle, dans une tribune au « Monde », les ministres des finances du G7, réunis à Londres les 4 et 5 juin, à soutenir la proposition américaine d’une taxation des multinationales à 21 %.

Publié hier à 15h27

Tribune. L’histoire nous a appris à ne pas avoir trop d’attentes lorsqu’un nouveau locataire s’installe à la Maison Blanche. Cela ne nous empêche pas d’applaudir des deux mains certaines initiatives de la nouvelle administration américaine, comme celle, en mai, de soutenir la levée de la propriété intellectuelle sur les vaccins contre le Covid-19 afin qu’ils puissent être produits dans d’autres pays.

Ce n’est pas tout.

Joe Biden est peut-être aussi sur le point de bouleverser la question du financement du développement, en s’attaquant à ce qui est considéré comme un terrain miné aux Etats-Unis : la fiscalité.

Riches et multinationales

Pour financer un plan de relance de 1 900 milliards de dollars (environ 1 595 milliards d’euros), Washington veut chercher l’argent là où il se trouve : dans les comptes des plus riches et des multinationales.

Cela passe, entre autres mesures, par l’introduction d’un taux d’imposition minimal de 21 % sur les bénéfices des entreprises à l’étranger. Concrètement, cela signifie que les filiales des multinationales américaines établies en Irlande, par exemple, où le taux est de 12,5 %, paieront immédiatement 8,5 % d’impôts supplémentaires au fisc de leur pays.

Il s’agit, bien sûr, d’une décision unilatérale. Pour le reste du monde, c’est aussi une formidable opportunité d’enterrer le modèle économique des paradis fiscaux. Avec l’introduction d’un impôt minimum mondial, les multinationales n’auront plus aucun intérêt à manipuler leur comptabilité pour concentrer artificiellement leurs bénéfices dans des juridictions à faible taux d’imposition ou à taux nul.

L’initiative de Joe Biden, si elle était approuvée par le Congrès américain et suivie par un nombre important de pays, provoquerait le plus grand changement dans la fiscalité des entreprises depuis des décennies. C’est l’une des principales recommandations du rapport sur l’intégrité financière pour le développement durable présenté en février par le Facti, un groupe d’experts réunis par l’ONU, et dont je fais partie [« Financial Accountability, Transparency and Integrity », en français « Groupe de haut niveau sur la responsabilité, la transparence et l’intégrité financières internationales »].

Ne pas céder au chantage

Sous la pression de certains pays européens et des tentatives de blocage de Londres, l’administration américaine a cependant rabaissé ses revendications, plaidant pour un impôt minimum au niveau mondial « d’au moins 15 % ». L’objectif est de convaincre la majorité des 139 pays discutant actuellement au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d’une réforme de la fiscalité des multinationales. Lire la suite.

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