Scandale Wirecard : le gouvernement allemand s’explique devant les députés

Jeudi 30 juillet 2020

Scandale Wirecard : le gouvernement allemand s’explique devant les députés

AFP Modifié le 29/07/2020 à 21:13 - Publié le 29/07/2020 à 17:35 | AFP

Le ministre allemand des Finances Olaf Scholz a assuré mercredi avoir partagé lors d’une audience parlementaire « tout ce que nous savons » sur le gigantesque scandale de fraude impliquant le prestataire financier Wirecard, qui met le gouvernement d’Angela Merkel sous pression.

Deux figures majeures de l’exécutif - le social-démocrate Scholz et le ministre conservateur de l’Economie, Peter Altmaier - avaient été convoqués devant la commission des Finances du Bundestag, la chambre basse du Parlement, réunie à huis clos.

La principale question des députés : pourquoi les autorités n’ont-elles pas agi plus tôt pour éviter ce scandale « sans équivalent dans le monde de la finance », comme l’a qualifié le gouvernement allemand ?

« J’ai fait en sorte que tout le monde sache exactement tout ce que nous savons », a déclaré M. Scholz après près de quatre heures d’audience, promettant des réformes pour éviter qu’une telle débâcle ne se reproduise.

Il veut notamment donner plus de pouvoirs et de moyens à la BaFin, l’autorité allemande des marchés financiers et de la régulation bancaire mise en cause pour son inaction, et mieux surveiller les auditeurs privés.

L’opposition, de son côté, n’exclut pas de lancer une commission d’enquête parlementaire.

« Honte » pour le pays

Tout a éclaté en juin quand Wirecard, membre du prestigieux indice boursier Dax des plus grandes entreprises allemandes, a avoué que 1,9 milliard d’euros inscrits dans ses comptes n’existaient pas.

Le titre a chuté de plus de 98 % et la société fait désormais faillite.

Son fondateur et ancien patron, l’Autrichien Markus Braun, et deux ex-directeurs sont en détention provisoire pour plusieurs chefs d’accusations. Car au-delà de l’argent volatilisé, la justice reproche aux dirigeants d’avoir « gonflé » dès 2015 le bilan en « inventant des recettes ».

L’ancien directeur des opérations, Jan Marsalek, soupçonné de liens avec divers services de renseignement, refuse à ce jour de se livrer et serait en Russie, selon des médias.

La BaFin, sous l’autorité du ministère des Finances, se retrouve depuis le début de l’affaire sur la sellette.

Depuis déjà cinq ans, la presse s’est fait l’écho de soupçons d’irrégularités dans le modèle économique de Wirecard. Début 2019, le Financial Times avait même publié une enquête approfondie sur des soupçons de fraude en Asie. Ces informations, restées sans conséquences pour Wirecard, ont déclenché en revanche une enquête visant les journalistes.

Felix Hufeld, directeur du gendarme financier visé depuis la semaine dernière par une action en justice d’investisseurs, avait qualifié fin juin l’affaire de « désastre complet » et de « honte » pour le pays.

Selon un rapport produit par son ministère, Olaf Scholz était au courant dès 2019 d’une enquête secrète de la BaFin visant Wirecard.

« Défaillances à tous les niveaux »

« Il y avait des défaillances à tous les niveaux : Olaf Scholz aurait dû mieux contrôler la BaFin et celle-ci aurait dû mieux faire son travail », a déclaré Katja Hessel, présidente de la commission et élue du parti libéral FDP, à la radio Deutschlandfunk.

La chancelière Angela Merkel a elle aussi été mise en cause, le magazine Der Spiegel affirmant qu’elle avait fait la promotion de la société lors d’un voyage en Chine en 2019, alors que ses services étaient au courant d’une enquête.

La chancellerie a démenti que Mme Merkel ait été au courant si tôt d’irrégularités.

« Nous avons besoin de rapidement et complètement mettre la lumière » sur cette affaire et « les investisseurs et le public y ont droit », a lancé avant l’audience l’élue écologiste Lisa Paus, prévenant que « ce ne sera pas la dernière réunion de la commission à ce sujet ».

« Il faut réagir à ce désastre mais aussi rendre des comptes sur ce qui s’est passé », a demandé Hans Michelbach, du parti conservateur CSU, allié bavarois du parti de la chancelière.

Le dossier Wirecard rappelle celui d’Enron aux Etats-Unis au début des années 2000 : le groupe texan, qui gonflait artificiellement ses profits et a fait faillite, masquait ses pertes et falsifiait ses comptes pour améliorer sa valeur boursière.

Wirecard, qui compte 6.000 employés dans le monde, est en plein démantèlement avec quelque 140 intéressés par un rachat entier ou partiel, mais poursuit pour l’instant ses opérations.

29/07/2020 21:11:50 - Francfort (AFP) - © 2020 AFP

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