Rich… mais impardonnable…

Jeudi 22 mars 2001 — Dernier ajout samedi 12 mai 2007

Nouvel Observateur N° 1898 - 22/3/2001

Vieillir en Floride : c’était le rêve de Marc Rich.

La justice américaine vient de le repousser aux calendes grecques. A 66 ans, le roi des matières premières croyait pourtant arriver à ses fins.

Ce trader américain, en fuite depuis 1983 pour avoir escroqué 50 millions de dollars au fisc de son pays, venait de se faire gracier par un Bill Clinton quittant la Maison-Blanche. Le ministère de la Justice en a décidé autrement. Et vient de relancer une enquête pénale contre lui.

De Zug, le canton-paradis fiscal suisse où il s’est réfugié, le milliardaire doit remballer ses valises. Sans doute pour longtemps. Outre ses démêlés fiscaux, la justice américaine lui reproche d’avoir fait fortune dans les années 70 en maquillant, à travers une cascade de holdings panaméens, l’origine des cargaisons de pétrole acheté à bas prix et revendu au plus haut. Il va par la suite multiplier les combines sur tous les marchés des matières premières. Il passe notamment pour un briseur d’embargo. Au début des années 1980, après l’affaire des otages américains détenus à Téhéran, Rich parvient à écouler des milliers de barils de pétrole iranien aux Etats-Unis.

Quelques années plus tard, il devient le principal pourvoyeur d’or noir de l’Afrique du Sud de l’apartheid.

Rich amasse une fortune en investissant les territoires que personne d’autre n’ose prospecter. « Mais attention à ne pas trop noircir le tableau, observe Philippe Chalmin, le directeur du rapport Cyclope, la bible du monde des matières premières. Rich n’était pas seulement un trader de génie. Il a démontré d’extraordinaires qualités de manager.

L’ancienne maison Rich & Co (rebaptisée Glencore) est aujourd’hui le numéro deux mondial du négoce. » Ses détracteurs insistent néanmoins sur la maîtrise de Rich dans l’art de la manipulation des marchés.

L’idée est de contrôler l’offre d’une matière première, organiser la pénurie et faire ainsi monter les prix. C’est ce que l’homme d’affaires tente au début des années 90, quand il se retrouve à la tête de 40% de la production d’aluminium mondiale.

Ces dernières années, Rich s’était surtout investi dans le trading de pétrole et d’aluminium en Russie. Mais il vient de revendre toutes ses affaires à l’oligarque Mickael Friedmann.

Et comme nombre de milliardaires, qui fortune faite sont comme saisis de remords, Rich est aujourd’hui victime d’une ferveur philanthropique. Certains bâtissent des musées. Rich, éclectique en diable, finance une fondation charitable en Suisse, multiplie les donations en Israël ou encore subventionne l’équipe olympique jamaïcaine.

Las, l’heure du pardon n’a toujours pas sonné. Rich doit prolonger son exil doré dans son palais de Zug. Avec pour seuls compagnons des toiles de maître et des gardes du corps.

OLIVIER TOSCER

© Le Nouvel Observateur 2003/2004

Publié avec l’aimable autorisation du Nouvel Observateur.

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