Pétrole contre nourriture : Bagdad a détourné 1,8 milliard de dollars

Vendredi 28 octobre 2005 — Dernier ajout jeudi 28 juin 2007

Pétrole contre nourriture : Bagdad a détourné 1,8 milliard de dollars

Vendredi 28 octobre 2005 14:30

AFP

La commission d’enquête sur le scandale « pétrole contre nourriture » en Irak a révélé jeudi soir que les manipulations de ce programme de l’ONU par le régime de Saddam Hussein lui ont permis de détourner 1,8 milliard de dollars.

Plus de 2200 entreprises se sont prêtées au jeu, sciemment ou non, a affirmé jeudi la commission d’enquête indépendante, dans son 5e et dernier rapport. Parmi ces entreprises issues de plus de 60 pays, beaucoup étaient russes, françaises ou chinoises.

Bagdad suivait une politique délibérée de favoritisme envers des pays perçus comme « amis », dans le but d’obtenir la levée des sanctions internationales imposées à l’Irak, explique la commission, dirigée par l’ancien banquier fédéral Paul Volcker. Des sociétés, notamment américaines comme Bayoil, se sont en outre abritées derrière des compagnies prête-nom de pays « acceptables », selon le rapport. Parmi les entreprises nommées, figurent quelques géants industriels comme Volvo, Siemens et Daimler-Chrysler. La commission cite aussi des compagnies russes ayant participé aux manipulations, comme Zarubejneft, Alfa Eco, Machinoimport.

Toutefois, M. Volcker a souligné devant la presse que « l’identification d’une société dans le rapport ne signifie pas nécessairement que cette société, contrairement à un agent par exemple, a fait, autorisé ou même connaissait l’existence des paiements illicites ». Le rapport indique que la Banque nationale de Paris (BNP) s’est trouvée « dans une situation de conflit d’intérêts ». Tout en étant gérante officielle des comptes séquestres de l’Onu sur lesquels elle recevait et déboursait les fonds liés au programme, la banque française servait aussi de garante à des entreprises qui participaient au programme.

La commission identifie des particuliers de nombreuses nationalités, comme ayant été les bénéficiaires d’allocations illégales de pétrole par l’Irak. Parmi eux, plusieurs Français comme les anciens diplomates Serge Boidevaix et Jean-Bernard Mérimée, tous deux mis en examen en France, l’ex-ministre de l’Intérieur Charles Pasqua et son conseiller Bernard Guillet, l’homme d’affaires Claude Kaspereit. Sont aussi nommés le député britannique George Galloway, le président de la région italienne de Lombardie, Roberto Formigoni, l’homme d’affaires suisse Alain Bionda et l’homme politique russe Vladimir Jirinovsky.

En vigueur de 1996 à 2003, le programme « pétrole contre nourriture » permettait à Bagdad de vendre du pétrole et d’acheter en échange des biens de consommation courante. Il visait à alléger l’impact sur la population irakienne de l’embargo international imposé à l’Irak après l’invasion du Koweit. Le programme a atteint une valeur totale de plus de 100 milliards de dollars (64 milliards pour le pétrole et 39 pour la nourriture). Selon le rapport, l’imposition par Bagdad d’une politique systématique de pots-de-vin et de surfacturations a commencé en 2000, poussant certaines des plus grandes compagnies pétrolières étrangères à se retirer du programme. "C’est alors que d’autres sociétés et des intermédiaires sont entrés en scène et que des sociétés-écrans ont été créées« , a dit M. Volcker. »C’est à ce moment que le programme a été corrompu".

Mais le rapport souligne aussi que le régime de Saddam Hussein a tiré 11 milliards de dollars de profits illégaux de la contrebande de pétrole à ses frontières, hors du programme onusien. M. Volcker a affirmé qu’il était désormais du ressort de la justice dans chaque pays de déterminer s’il y a lieu à poursuivre certaines personnes. Le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a appelé les Etats membres à prendre des sanctions à l’égard des compagnies ayant versé des pots-de-vin. La Suisse a annoncé avoir ouvert une enquête criminelle pour quatre de ses ressortissants.

Washington a estimé que le rapport Volcker montrait le besoin urgent de réformer l’ONU.

© Le Temps.

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