Pakistan : la Cour suprême ordonne une enquête sur le Premier ministre

Jeudi 20 avril 2017

Pakistan : la Cour suprême ordonne une enquête sur le Premier ministre

Par AFP — 20 avril 2017 à 04:36 (mis à jour à 14:59)

La Cour suprême du Pakistan a ordonné jeudi une enquête pour corruption sur le Premier ministre Nawaz Sharif, mis en cause dans les Panama Papers, sans pour autant demander sa destitution.

Il est reproché à M. Sharif d’avoir caché la vérité sur les sociétés et biens immobiliers détenus via des holdings off-shore par ses enfants, notamment sa fille Maryam Nawaz, pressentie comme son héritière en politique.

Dans sa décision très attendue à un an des élections, la Cour lui a donné un sursis, estimant qu’il n’y avait pas assez de preuves pour l’écarter du pouvoir dans l’immédiat.

Le document de 540 pages cite une phrase du romancier Honoré de Balzac, en français dans le texte : « Le secret des grandes fortunes sans cause apparente est un crime oublié ».

Les juges y ordonnent la création sous les sept jours d’une commission d’enquête conjointe, comprenant notamment des représentants du bureau anti-corruption et des puissants services secrets militaires, qui devra présenter ses conclusions dans les soixante jours.

« Une enquête approfondie est nécessaire », a estimé le juge Asif Saeed Khosa en annonçant cette décision.

Deux des cinq juges sont allés plus loin, estimant que M. Sharif devait être évincé en raison de sa « malhonnêteté », mais ils sont restés minoritaires.

En 2012, la Cour suprême avait condamné le Premier ministre de l’époque, Raza Gilani, pour outrage à la justice car il avait refusé de rouvrir une enquête pour corruption contre le président d’alors, Asif Zardari. Cela avait entraîné la disqualification du Premier ministre.

Des partisans du PLM-N au pouvoir ont célébré la décision en partageant des friandises devant la Cour suprême, où plus de 1.500 policiers avaient été déployés.

La Bourse de Karachi, rassurée par cette issue, a pris plus de 3% en cours de séance, clôturant en hausse de 2,64%.

« Nous respectons le verdict de la Cour », a indiqué à l’AFP un ministre, Khawaja Saad Rafique, assurant que M. Sharif resterait au pouvoir jusqu’à la fin de son mandat en 2018.

L’opposant pakistanais Imran Khan, ancienne star du cricket et dont le parti PTI a été à la pointe de l’offensive contre M. Sharif, a néanmoins appelé le Premier ministre à démissionner le temps que soit achevée l’enquête.

« Toutes les explications qu’ils ont apportées à la Cour suprême concernant leurs sources de revenus se sont avéré être des mensonges », a déclaré M. Khan à la presse.

  • Appartements à Londres -

Le scandale qui fait les gros titres depuis des mois avait éclaté l’an dernier, lorsque le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) avait publié quelque 11,5 millions de documents secrets émanant du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, les Panama Papers.

Trois des quatre enfants de M. Sharif sont cités dans ces documents révélant comment dirigeants et personnalités placent leurs biens dans des paradis fiscaux.

Au cœur du procès pakistanais figurent des appartements londoniens de luxe, détenus par la famille Sharif via des sociétés off-shore gérées par le cabinet panaméen.

Le PTI et plusieurs autres partis d’opposition ont souligné l’opacité du financement de ces biens, appelant le Premier ministre à prouver qu’il ne s’agit pas de blanchiment d’argent.

Les partisans de M. Sharif assurent que les fonds proviennent d’entreprises familiales basées au Pakistan et dans le Golfe.

Le cas est d’autant plus important, notent des observateurs, que le Pakistan est rongé par la corruption, classé à la 116e place sur 176 pays par l’ONG Transparency International.

L’universitaire Michael Kugelman a estimé sur Twitter que l’affaire se dégonflait : « ce n’est pas la meilleure issue possible pour le gouvernement, mais ça n’en est pas loin », a-t-il noté.

De son côté, l’éditorialiste Umair Javed a estimé qu’il y a « de quoi satisfaire les deux camps », l’opposition qui a la garantie d’une enquête approfondie, et le gouvernement dont le chef reste en place.

Il a néanmoins estimé « assez faible » les chances que M. Sharif soit jugé coupable de blanchiment et fraude fiscale à l’issue des investigations.

M. Sharif, un industriel, a été élu en 2013 pour un troisième mandat. Les deux précédents avaient été interrompus par la puissante armée pakistanaise, qui a dirigé le pays pendant la moitié de son existence.

Cette crise politique intervient alors que le Pakistan, qui célèbre cette année ses 70 ans, a vu sa situation sécuritaire et économique s’améliorer ces deux dernières années, avec une baisse des attentats et une stabilisation de la croissance.

AFP

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