Les guerres des « réseaux d’élite »

Dimanche 5 août 2007 — Dernier ajout vendredi 22 juillet 2011

Les guerres des « réseaux d’élite »

Bravo pour le travail d’enquête sur le pillage des richesses du Congo-Kinshasa mené par les experts de l’ONU, sous la conduite de l’Égyptien Mahmoud Kassem ! Plus remarquable encore est la diffusion de leur rapport définitif, le 16 octobre.

Car la guerre qui ravage le Congo-K, causant déjà quelque 3 millions de morts, y est largement décrite comme un conflit entre clans mafieux, alliés des grandes puissances occidentales - des « réseaux d’élite », « composés d’un petit noyau de dirigeants politiques et militaires et d’hommes d’affaires ».

Les tentacules prédateurs remontent finalement vers des paradis fiscaux, des sociétés et des banques protégés ou honorés par les pays du Nord, Russie et Chine comprises : tous les membres permanents du Conseil de Sécurité sont concernés.

Les circuits sont précisément décrits, les relais sont nommés. La place diamantaire d’Anvers n’est pas épargnée. La valeur des pierres volées à l’ex-Zaïre avoisine les 800 millions de dollars chaque année. Il y a aussi l’or, le coltan, le cobalt, le café, etc.

Les responsabilités des occupants ougandais et rwandais sont encore mieux ciblées que dans les rapports intermédiaires du même groupe d’experts. Mais le pouvoir de Kinshasa, soutenu par Paris, n’est plus guère épargné : les fuites à ce niveau se chiffrent en milliards de dollars, avec la complicité de l’allié zimbabwéen.

Les experts montrent que le maillage prédateur s’est installé pour durer, même en cas de retrait des troupes étrangères. Pour le désactiver, ils hésitent à prôner un boycott : certains de ces produits permettent de survivre à beaucoup de petits exploitants ou creuseurs. Ils préconisent plutôt des sanctions contre les intermédiaires (gel des avoirs, interdits bancaires, limitation des déplacements) et des restrictions financières contre les États-relais (Ouganda, Rwanda, Burundi, Zimbabwe). On ne va pas jusqu’à pénaliser les États-profiteurs, au Nord… Mais les opinions publiques trouveront de quoi nourrir leurs campagnes civiques.

Ces progrès de l’élucidation de la criminalité économique sous-jacente à la criminalité politique s’inscrivent dans la lignée des travaux de l’ONG britannique Global Witness. Ils sont étayés simultanément par la publication d’un livre de Michael Renner, de l’institut Worldwatch, The Anatomy of Resources War (L’anatomie des guerres liées aux ressources naturelles) et d’un rapport de l’institut anversois IPIS, Network War. An introduction to Congo’s Privatised War Economy (La guerre en réseau. Une introduction à l’économie de guerre privatisée du Congo).

À force de mieux identifier les « virus » destructeurs de l’Afrique (et d’ailleurs), on finira peut-être par trouver les parades.

Extrait de Billets d’Afrique et d’Ailleurs N°108 - Novembre 2002 -

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