L’espion, la « Salade » et l’ami de Pasqua

Mercredi 27 septembre 2017

L’espion, la « Salade » et l’ami de Pasqua

Par Karl LASKE — 23 avril 2003 à 22:57

Pierre Léthier, l’ex-agent secret en fuite, a fait une entrée surprise.

Un homme s’est livré à la justice, hier, quelques heures avant l’ouverture de la 16e audience du procès Elf. L’ancien agent très spécial Pierre Léthier, 47 ans, ancien officier de la DGSE, recherché depuis deux ans et demi pour son rôle dans l’affaire de la raffinerie allemande de Leuna. Mais sa cavale a été des plus tranquilles. Léthier a quitté sa villa de Genève pour Londres, où il résidait, depuis, avec femme et enfants. Il a choisi la reddition en douceur. « M. Pierre Léthier n’est pas encore arrivé ? », lance le président Michel Desplan, dès l’ouverture des débats. « M. Léthier doit arriver d’un instant à l’autre », annonce son avocat, Me Thierry Lévy. ll fait son entrée, entouré de gendarmes, avec, sous le bras, l’imperméable vert olive prisé par les officiers. Le fuyard a été le directeur de cabinet de deux patrons des services spéciaux français, l’amiral Pierre Lacoste et le général René Imbot, avant de rejoindre la vie civile, en 1988. Il avance, voûté, l’air de tendre l’oreille, plutôt rat de bibliothèque que James Bond. Léthier se présente comme « consultant international », en « pétrole et aéronautique ». Michel Desplan rappelle les charges qui pèsent contre lui. Un recel de 256 millions de francs, dont il a conservé 95 millions, à l’occasion de l’achat par Elf de la raffinerie allemande de Leuna. Pour lui, l’enjeu de l’audience est de savoir s’il sera placé en détention ou laissé libre.

Renseignement. Léthier décline son « cursus ». D’abord Saint-Cyr, puis les « transmissions ». « Ma spécialité était le renseignement, où j’ai fait toute ma carrière, de 1979 jusqu’en 1988 », explique-t-il. « Vous étiez dans quel service ? », interroge le président. « Au S ­ D ­ E ­ C ­ E, épelle Léthier, qui est devenue la DGSE. Mon dernier grade était colonel. Entre 1988 et 1997, j’étais dans une disposition particulière de la DGSE (il soupire) qui correspond à une activité sans solde en liaison avec le service, qui me permettait d’exercer une autre profession. » ­ « Vous n’aviez plus d’activité de renseignement ? » ­ « Officiellement, non », répond-il. Il était donc plus ou moins espion, au moment des détournements présumés. Ce n’est qu’à sa mise à la retraite de l’armée, en décembre 1997, qu’il rompt ses attaches « avec le service ». Le président s’étonne. « Vous avez rappelé votre formation militaire, l’autorité, la hiérarchie vous savez ce que c’est, pourquoi ne pas avoir déféré au mandat d’arrêt ? » ­ « On attendait de moi des déclarations scandaleuses, que je n’étais pas en mesure de fournir », répond Léthier. Les juges avaient failli le placer en détention, en 2000, alors qu’il avait été convoqué comme témoin. Ses avocats ayant gagné le bras de fer procédural, il n’était plus réapparu.

La procureure Catherine Pignon propose une remise en liberté moyennant le paiement d’une caution de 500 000 euros. Me Thierry Lévy juge « la somme très élevée, l’exigence un peu brutale, voire un peu mesquine ». Une dizaine de minutes suffisent au tribunal pour juger d’une somme moins mesquine : 50 000 euros de caution, à payer avant une semaine. Pierre Léthier respire. Il peut quitter la salle. Il parlera, dès lundi prochain, lors de l’examen de l’affaire Leuna. Dehors, les avocats commentent, surpris, le camouflet infligé au parquet.

[…] La discrétion, c’est aussi ce qui hante Daniel Léandri, l’ex-conseiller de Pasqua. Selon les juges, il a reçu 1 million de francs et 1 million de dollars de Sirven sur son compte en Suisse, riche de 41 millions de francs. Un vieux compte, aussi vieux que les missions de Léandri en Afrique, brigadier de police « en détachement du ministère de l’Intérieur pour des missions de sécurité en Afrique ». « Je suis opérationnel depuis 1976 », déclare-t-il, solennel.

« Mandant ». C’est l’ancien conseiller aux affaires africaines de l’Elysée, Jacques Foccart, qui lui aurait demandé d’ouvrir le compte, en décembre 1981. Il devait servir aux achats d’équipements des services spéciaux congolais. Léandri a donc lui aussi son « mandant » africain. Salarié d’Elf International (à 250 000 francs par trimestre), il a tout ignoré de l’origine des virements qu’on lui reproche. Il ignorait qu’Elf, son employeur, envoyait l’argent. Sirven confirme aimablement. Lire la suite.

Revenir en haut