L’argent du crime

Dimanche 24 septembre 2017

L’argent du crime

Les vestales de l’ordre établi, Le Monde en tête, daubaient le livre de Denis Robert et Ernest Backes, Révélation$ (Les arènes, cf. Billets n° 92).

Cependant, la justice luxembourgeoise ne voulait pas être à la traîne d’une révélation étrangère, d’autant que la mission d’information parlementaire française sur les paradis fiscaux poussait les feux en annonçant l’audition de certaines sources des deux auteurs.

Le résultat de l’enquête luxembourgeoise est explosif. Les dévoiements de la firme de compensation internationale Clearstream sont bien plus importants encore que ne le suggérait Révélation$.

Au-delà des milliers de comptes non publiés, mais dont les mouvements sont enregistrés, il y aurait dans le système informatique de Clearstream un chemin parallèle relié aux patrons d’un certain nombre de très grandes banques, leur permettant d’opérer des transactions sans aucune trace. Cela représenterait 15 % des flux annuels, de l’ordre de 20 000 milliards de francs, plus de deux fois le PIB de la France, près d’un dixième du PIB mondial : le trou noir de la mondialisation financière. Un “système Elf” à la puissance mille – le genre de procédure où, selon Loïk Le Floch-Prigent, « l’absence de contrôle était même l’élément constitutif » (cf. Ils ont dit) . En urgence, le président de Clearstream André Lussi a été suspendu de ses fonctions. Cela a fait moins de bruit dans la presse que l’arrestation d’un voleur de poules… Nous avions signalé qu’après la mainmise de la mafia russe sur la Bank of New York, les États-Unis et leurs alliés avaient pris conscience de la nécessité de lutter sérieusement contre les paradis fiscaux.

Changement complet de cap avec George Bush : il entend désormais préserver ces édens. Le Monde, cette fois, a réagi au quart de tour, dans son éditorial du 17 mai : « Les grands délinquants internationaux auront […] compris que la principale puissance mondiale ne lèvera pas le petit doigt pour déranger leurs tripatouillages ». Disons-le plus crûment : le pétrolier Bush exhibe ses adhérences mafieuses.

Au forum de Crans-Montana sur le “blanchiment”, on croisait nombre d’Angolais, Nigérians, Russes. Dans les couloirs, les experts de la société d’audit comptable KPMG conseillaient aux seigneurs du pétrole d’aller désormais aux États-Unis placer leur butin (LdC, 17/05/2001).

C’est KPMG qui avait certifié les comptes de Clearstream… ce dont Lussi et Le Monde s’étaient servi pour faire le coup du mépris à Robert et Backes.

FX Verschave Billets d’Afrique et d’Ailleurs N° 93 - Juin 2001 Source l’association Survie.

Pour aller plus loin : une vidéo, extraite de la conférence filmée de Feu François-Xavier Verschave  : http://www.dailymotion.com/video/xkutve

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