Aux Etats-Unis, la taxation des milliardaires fait son chemin chez les démocrates et dans l’opinion

Jeudi 28 octobre 2021

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Aux Etats-Unis, la taxation des milliardaires fait son chemin chez les démocrates et dans l’opinion

Le président de la commission des finances du Sénat a proposé de taxer les plus-values latentes des Américains dont la fortune dépasse le milliard de dollars ou dont le revenu est de plus de 100 millions par an.

Par Arnaud Leparmentier (New York, correspondant) Publié aujourd’hui à 02h55, mis à jour à 05h14

« Nous allons probablement avoir un impôt sur la fortune.  » Quand Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre des représentants américaine a fait cette déclaration, dimanche 24 octobre, le Français Gabriel Zucman, économiste à l’université de Californie à Berkeley, n’a pas caché sa joie. « Ce n’est pas encore fait, il y aura de la contre-réaction, et même si cela passe, ce serait modeste (seulement environ 1 000 contribuables). Mais ouah, quel incroyable retournement ! Un changement radical par rapport à il y a quelques années à peine  », a tweeté le chercheur, qui milite pour la taxation des milliardaires.

Effectivement, l’idée d’un impôt sur la fortune devient « mainstream », nous confie M. Zucman, alors qu’elle était jusqu’ici portée essentiellement par l’aile progressiste du Parti démocrate, notamment les sénateurs Bernie Sanders (Vermont) et Elizabeth Warren (Massachusetts). En début d’année, un sondage donnait 81 % des démocrates et 57 % des républicains favorables à un impôt sur la fortune.

La donne a changé depuis la crise du Covid-19. D’abord, celle-ci a dopé la fortune des titans de la Silicon Valley, grâce à la bascule numérique et à la politique ultra-accommodante de la banque centrale, qui a fait s’envoler Wall Street.

Ensuite, le site ProPublica a révélé en juin que les Américains les plus riches, qu’il s’agisse de Jeff Bezos (Amazon), d’Elon Musk (Tesla) ou du financier George Soros, parvenaient parfois à ne payer aucun impôt fédéral sur le revenu. En 2018, les vingt-cinq les plus riches détenaient ensemble un patrimoine de 1 100 milliards de dollars, soit l’équivalent de ce que possèdent 14,3 millions de leurs compatriotes « moyens », mais ils avaient payé cette année-là soixante-quinze fois moins d’impôt fédéral qu’eux (1,9 milliard, contre 143 milliards), accusait ProPublica. « La logique de fond est très forte, les milliardaires payent très peu d’impôts, mais ProPublica l’a rendu beaucoup plus visible et incontestable », résume M. Zucman. Lire aussi Aux Etats-Unis, un système fiscal inique

Troisième événement, le plan d’infrastructures et de dépenses sociales que Joe Biden doit faire financer : la sénatrice démocrate d’Arizona Kyrsten Sinema bloquant la hausse de la taxation des entreprises et des ménages millionnaires, option favorisée par Joe Biden mais qui avait l’inconvénient de ne pas s’attaquer aux plus fortunés, il a été décidé de basculer sur une taxation du petit club des 700 plus riches milliardaires américains.

500 milliards de dollars sur cinq ans

En avril, Gabriel Zucman avait lancé, avec l’économiste Emmanuel Saez, l’idée d’une taxation exceptionnelle sur les plus-values latentes de ces milliardaires. L’idée figure dans la proposition présentée cette semaine par le président de la commission des finances du Sénat, le démocrate Ron Wyden (Oregon). Il prévoit de les taxer au taux fédéral de 23,8 % (avec paiement étalé sur cinq ans) pour ceux dont la fortune dépasse le milliard de dollars ou dont le revenu est de plus de 100 millions par an. Lire la suite.

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