Au procès des douanes, le « tonton Z » sème la zizanie

Vendredi 27 mai 2022

Société Justice

Au procès des douanes, le « tonton Z » sème la zizanie

Six cadres des douanes sont jugés depuis le 9 mai par le tribunal correctionnel de Paris aux côtés de cet « indic » vedette, ancien militaire serbe, dont le rôle central met en lumière les méthodes troubles du renseignement douanier.

Par Thomas Saintourens Publié hier à 18h57, mis à jour hier à 22h58

Il est assis là, incontournable, au centre de la salle d’audience. Ses gros bras croisés sur son torse de lutteur, Zoran Petrovic écoute, depuis maintenant trois semaines, les récits des six cadres des douanes jugés avec lui depuis le 9 mai, et pour un mois, devant la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Jamais ils ne prononcent son nom. Jamais ils ne posent leur regard dans sa direction. Cet ancien parachutiste de l’armée serbe âgé de 57 ans, « indic » vedette des douanes, est simplement « la source ». Il est comme un gros chat encombrant, pareil au Mistigri du jeu de cartes : celui dont il faut se débarrasser de son jeu, sous peine de perdre la partie.

Incontournable, M. Petrovic l’est dans le dossier judiciaire qui mène ces anciens responsables de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) à s’expliquer sur leurs pratiques professionnelles. C’est grâce à lui, l’aviseur si prolifique, que les douanes ont réalisé 32 affaires, entre 2011 et 2015 (contrefaçons, tabac, médicaments), contre une rémunération de près de 400 000 euros.

Point de départ des investigations, en 2015, une saisie de 43 tonnes de café contrefait met la justice sur la trace de dysfonctionnements dans la gestion des « aviseurs ». « Une affaire montée de toutes pièces », selon les enquêteurs, où le rôle trouble de Petrovic, assurant le transport et le stockage de la marchandise, rejaillit sur les agents chargés de son cas, jusqu’au sommet de la hiérarchie. Des profils réunis dans la salle d’audience autour d’accusations de « corruption », d’« escroquerie », de « détournement de fonds publics » ou encore d’« importation en bande organisée de marchandises contrefaites ».

Peu fiable, voire dangereux

La justice soupçonne que ces opérations ont été effectuées, sans contrôle, dans le but d’apporter un retentissement médiatique à ces saisies et de « faire du chiffre ». En échange, les yeux auraient été fermés sur les autres affaires de ce « tonton » si bien introduit auprès des milieux criminels balkanique et chinois. Un aviseur fétiche, certes, mais également considéré comme peu fiable, voire dangereux, officiellement blacklisté depuis 2009.

La géographie de ce dossier s’applique à la géométrie de la salle d’audience. A gauche de « la source », la hiérarchie de la DNRED, costumes chics et attaché-case, suit les débats avec pondération, devisant lors des pauses, prenant des notes appliquées. A la droite du « tonton », esseulés sur leurs bancs, deux hommes peinent à contenir leur tension. Vincent Sauvalère, ancien directeur de la direction des opérations douanières (DOD, le bras armé de la DNRED), et Pascal Schmidt, chef de l’antenne du Havre (Seine-Maritime) de ce service. Ce sont eux qui étaient chargés de la gestion et de la protection du Serbe. Lire la suite.

Revenir en haut