Un ponte du Medef accusé de convoyer des valises de billets

Vendredi 28 septembre 2007

Un ponte du Medef accusé de convoyer des valises de billets

Une enquête vise Denis Gautier-Sauvagnac, qui dirige la branche métallurgie.

Par RENAUD LECADRE

QUOTIDIEN : jeudi 27 septembre 2007

Le parquet de Paris vient d’hériter d’une énorme patate chaude des mains de Tracfin. Selon l’enquête de cet organisme antiblanchiment du ministère de l’Economie, révélée hier par le Figaro, Denis Gautier-Sauvagnac (DGS), président de la branche métallo du Medef (l’Union des industries métallurgiques et minières), aurait retiré 5,6 millions d’euros en liquide des caisses de l’UIMM. Entre 2000 et 2007, il se déplaçait personnellement ou envoyait un collaborateur retirer des sommes pouvant atteindre 200 000 euros d’un compte ouvert à la BNP. DGS tient à démentir un point, qui pour lui ne semble pas un détail : « Je ne suis pas allé en personne à la banque, cette information est totalement fausse. »

« Troublants ». Tenu légalement de signaler tout soupçon de blanchiment, un cadre de la banque avait donc alerté Tracfin, lequel a décidé d’observer les choses de près, « sous les regards attentifs des trois derniers ministres, Nicolas Sarkozy, Thierry Breton et Christine Lagarde », précise le Figaro, laissant les retraits en cash se poursuivre jusqu’en début 2007.

Les faits étant jugés « suffisamment troublants », Tracfin a récemment obtenu le feu vert de Bercy afin de les dénoncer au parquet. Il n’y était pas tenu : Tracfin dispose d’une personnalité juridique propre qui lui permet d’actionner l’article 40, qui oblige tout dépositaire de l’autorité publique à dénoncer des faits éventuellement délictueux, mais préfère, sur les dossiers sensibles, demander à Bercy, non pas une autorisation, du moins un nihil obstat (pas d’opposition).

Le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, a lancé une enquête préliminaire (sous le seul contrôle du parquet), de préférence à l’ouverture d’une information judiciaire (sous l’égide d’un juge d’instruction). Une pratique devenue générale sur les affaires délicates, le parquet de Paris goûtant peu aux tambouilles syndicales, comme en témoigne le non-lieu, requis au mois d’août, dans l’affaire de la FNSEA.

Œuvres sociales. En cours de filature, DGS aurait expliqué à son banquier que ces fonds en liquide étaient destinés aux œuvres sociales de la métallurgie, malades et retraités du secteur. Une forme de régime complémentaire très spécial, qui risque d’irriter les partenaires sociaux du Medef, dont DGS était le « Monsieur social », en charge de promouvoir des réformes drastiques de la Sécu. Hier, l’UIMM se proclamait « en aucun cas mêlée à des malversations », promettant d’apporter « toutes les informations nécessaires aux autorités compétentes » sur l’utilisation des valises de billets.

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Publié avec l’aimable autorisation du journal Libération.

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