Qui a peur des méchants « hedge funds » ?

Jeudi 30 août 2007

Qui a peur des méchants « hedge funds » ?

Entre crainte et résignation, les patrons ont débattu hier de ces fonds d’investissements.

Par LAUREEN ORTIZ

QUOTIDIEN : jeudi 30 août 2007

« J’ai horreur des spéculateurs, je m’insurge contre la financiarisation de l’économie et les dangereuses dérives du capitalisme. » On a moins l’habitude d’entendre ces propos à l’université d’été des patrons qu’à un forum altermondialiste.

Et pourtant. Pierre Bellon, PDG de Sodexho, est remonté contre les hedge funds . Lors d’un débat organisé par le Medef hier, il a attaqué ces fonds spéculatifs qui échappent, du fait qu’ils ne font pas d’appel public à l’épargne, aux réglementations. Il déplore les avantages fiscaux de ces fonds, souvent installés dans des paradis fiscaux ; les courtes vues de leurs investissements ; et leur niveau excessif d’endettement. « Je me suis penché sur le cas Blackstone [un important hedge fund américain, Ndlr], dit-il. Seulement 15 % de ses opérations sont financées par des capitaux propres. Je raisonne peut-être comme il y a trente ans, mais pour moi c’est de la cavalerie ! » A ses yeux, l’argent prêté par les banques à ces « cavaliers » de la finance représente autant de cash en moins pour les entreprises. Or « ce sont les entreprises qui créent la richesse et l’emploi » , dit-il.

Plus modéré, Thierry Morin, patron de l’équipementier automobile Valéo, n’en a pas moins quelques réticences. Dans le viseur de deux fonds spéculatifs cette année, il estime que son groupe n’avait « pas d’intérêt à tirer de ces opérations ». Résigné à « accepter cette nouvelle catégorie » d’investisseurs, il tempère : « Ils sont utiles quand la Bourse ne comprend plus notre stratégie. » Pour dire s’il faut ou non calmer les ardeurs de ces 8 500 fonds - qui gèrent 1 500 à 2 000 milliards de dollars -, les patrons sont assez frileux.

Pour Daniel Bouton, PDG de la Société générale, elle-même détentrice de hedge funds, « la réglementation est un problème compliqué » . D’autant qu’il trouve à ces fonds des avantages « formidables » , notamment celui de répartir les risques. A l’aune de la crise liée aux subprimes américains, ces crédits immobiliers à risque accordés à des ménages peu solvables dans lesquels avaient investi de nombreux fonds, il se réjouit que « les pertes soient subies par une multitude d’intervenants ». Il trouve aussi normales les énormes rétributions perçues par les « gens brillants » et « redoutablement compétents » qui gèrent ces portefeuilles. Pierre Bellon, lui, se demande « ce que veut dire des gens brillants ».

Dans la salle, une bonne partie des participants accordent du crédit à la remarque. Ce qui inspire la réaction du dirigeant d’un hedge fund : « Vous voyez, il y a comme une réticence à la financiarisation, ça fait hurler tout le monde, mais c’est consubstantiel à l’économie capitaliste, on n’y peut rien. »

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