Natixis, l’embarrassante filiale de BPCE

Mercredi 30 septembre 2020

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Natixis, l’embarrassante filiale de BPCE

La banque doit gérer les déboires de son « hedge fund » H20 AM. Des dizaines de milliers d’épargnants ont quelque 10 milliards d’euros bloqués sur ses fonds. La question de son maintien au sein de Banque populaire-Caisse d’épargne se pose.

Par Véronique Chocron Publié aujourd’hui à 11h15, mis à jour à 12h35

L’histoire de la finance est peuplée d’affaires de placements mirobolants, dont les performances défient le bon sens et qui, immanquablement, se terminent mal. La dernière en date concerne H20 AM, une société de gestion d’actifs revendiquant son goût pour le risque, détenue majoritairement par la banque française Natixis, la filiale cotée du groupe mutualiste Banque populaire Caisse d’épargne (BPCE).

Des années durant, H20 AM a fait gagner beaucoup à ceux qui lui confiaient leur argent. Le fonds H20 Multibonds a ainsi signé un gain de 485 % entre 2012 et 2019, selon Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de Facts & Figures, un cabinet de conseil en stratégie spécialisé dans l’assurance. Des performances « anormalement élevées, souligne l’expert, notamment quand on les compare à la performance moyenne de la gestion alternative qui était de l’ordre de 20 % sur cette période. »

Mais la machine à gagner a fini par s’enrayer. Et plusieurs dizaines de milliers d’épargnants ont vu leurs économies bloquées sur les fonds que ce hedge fund à la française a dû suspendre le 28 août, après intervention de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

« Haut rendement volatil »

Tout commence en 2010, lorsque Bruno Crastes, gérant star, « garçon brillant, beau gosse, beaux costards » comme le décrit un ancien collègue, crée à Londres la société de gestion H20 AM. Un nom censé vanter la bonne gestion de la liquidité, c’est-à-dire la rapidité d’achat et de vente d’actifs. Le financier vient alors de quitter le Crédit agricole Asset Management où il a monté une gamme de fonds qui a connu un succès phénoménal auprès des investisseurs… jusqu’à ce que survienne la crise de 2008. Pour lancer H20 AM, il s’appuie sur Natixis.

La filiale de BPCE se remet tout juste de la crise des subprimes, qui a failli l’emporter. Elle ne craint pourtant pas de prendre 50,01 % du capital de la boutique de gestion pilotée par M. Crastes. La banque française sait où elle met les pieds. « C’est un style de gestion à haut rendement et volatil, qui prend par exemple des paris sur l’évolution des devises. Pendant la crise de la Grèce en 2011, ses performances ont d’abord chuté de 40 %, avant de revenir à + 60 % », reconnaît aujourd’hui un dirigeant de Natixis. La magie Bruno Crastes opère, les investisseurs placent leur argent chez H20 sur son seul nom.

« L’homme a compris qu’il y avait en France un déficit de produits nerveux qui font rêver. Il a des visions de marché fulgurantes, il est un brin mégalomane… En résumé, il a le profil des dirigeants de hedge funds », poursuit son ancien camarade du Crédit agricole. « Il y a donc eu un emballement de marché sur les fonds H20 », constate Cyrille Chartier-Kastler. Lire la suite.

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