La concentration des ultra-riches au Royaume-Uni au coeur de la campagne électorale

Jeudi 5 décembre 2019

La concentration des ultra-riches au Royaume-Uni au cœur de la campagne électorale

Par L’Obs avec AFP Publié le 05 décembre 2019 à 15h30

Londres (AFP) - La campagne électorale au Royaume-Uni a braqué les projecteurs sur les ultra-riches, un monde fermé dont le parti travailliste n’a cessé de cibler les privilèges face à des conservateurs beaucoup plus conciliants.

Régime fiscal attractif, écoles privées prestigieuses, centre financier mondial : tour d’horizon de ce qui rend le Royaume-Uni et Londres si attractifs pour les plus fortunés.

  • Qui sont les ultra-riches ? -

Le Sunday Times dénombrait en mai dernier 151 milliardaires dans le pays. Les 1.000 individus et familles les plus riches détiennent un patrimoine de 771,3 milliards de livres, un record.

Les plus grandes fortunes viennent du monde entier, d’Asie et de Russie comme du Royaume-Uni.

Deux frères d’origine indienne, qui dirigent le conglomérat Hinduja, sont en tête du classement avec une richesse de 22 milliards de livres. L’homme d’affaires russes Alicher Ousmanov pointe à la 8e place juste devant son compatriote Roman Abramovitch.

Selon des chiffres du Bureau national des statistiques (ONS) pour la période entre 2014 et 2016, Londres, connue pour ses quartiers huppés comme Mayfair or Belgravia, compte à elle seule 515.000 individus avec un patrimoine supérieur à un million de livres.

  • Régime fiscal avantageux -

Si le Royaume-Uni est si attractif, il le doit à un volet particulier de son régime fiscal, à savoir le statut « non-dom » qui permet à certains résidents britanniques de conserver une domiciliation fiscale à l’étranger et de ne pas payer d’impôts sur les revenus obtenus en dehors du Royaume-Uni.

Pour Andrew Summers, professeur assistant à la London School of Economics (LSE), cette mesure est surtout avantageuse « pour les étrangers qui tirent d’importants revenus de leurs investissements parce que c’est ce qu’il est le plus facile de soustraire à l’imposition britannique grâce au statut non-dom ».

Selon les derniers chiffres du service britannique des impôts et des douanes, 78.300 personnes bénéficiaient de ce statut en 2017-2018, ce qui leur a permis de payer 2 milliards de livres d’impôt en moins au Trésor.

Autre avantage du système fiscal britannique, les revenus tirés du capital peuvent être peu taxés grâce à des abattements, la taxe sur les propriétés immobilières est dérisoire sur les résidences les plus chères. Et contrairement à la France, il n’existe pas de taxe sur la fortune au Royaume-Uni.

  • Education et services financiers -

« Beaucoup de gens fortunés décident de venir d’abord pour l’éducation de leurs enfants », explique à l’AFP Efun Chin, qui dirige le cabinet d’avocats Mayfair Legal à Londres.

« C’est ce qui attire le plus étant donné que de nombreux chefs d’Etat dans le monde sont diplômés des universités britanniques », selon lui. Et le Royaume-Uni est connu pour ses écoles privées hors de prix où les enfants de familles riches profitent d’enseignements privilégiés.

En outre, toute personne investissant au moins 2 millions de livres dans le pays peut bénéficier d’un visa dédié (Golden visa) lui permettant de rester cinq ans.

« Ce serait une erreur de penser que payer moins d’impôts est la seule raison » qui attire les plus fortunés, observe M. Summers, interrogé par l’AFP.

Il évoque les avantages pour faire des affaires, l’ouverture à l’international, la langue anglaise largement partagée, un système juridique respecté et la stabilité de ses institutions politiques.

Londres et sa City bénéficient surtout d’un rayonnement international et regorgent de banquiers d’affaires et d’avocats à même d’accompagner les plus fortunés.

 Brexit et Labour, des repoussoirs ? -

Malgré le vote pour le Brexit de 2016 et les incertitudes sur la date de sortie, le pays reste une destination privilégiée pour les ultra-riches. « Bien sûr ils ont parlé du Brexit, mais cela ne les a pas arrêtés », selon M. Chin.

Les tensions diplomatiques en 2018 entre le Royaume-Uni et la Russie ont par exemple pu avoir un effet temporaire bien plus important.

M. Summers observe toutefois que le Royaume-Uni bénéficie jusque-là de sa « position de porte d’entrée vers l’UE mais ce statut est désormais moins certain » avec le Brexit.

Reste à plus court terme, une hypothétique victoire aux prochaines élections du parti travailliste qui a promis de cibler les riches. « Si le Labour a pour intention de fermer les écoles privées indépendantes, je pense que cela aurait un effet », confie M. Chin.

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