Lafarge en Syrie : la justice annule les poursuites pour « complicité de crimes contre l’humanité »

Jeudi 7 novembre 2019

Lafarge en Syrie : la justice annule les poursuites pour « complicité de crimes contre l’humanité »

Mais elle maintient la mise en examen pour « financement du terrorisme ».

Par L’Obs avec AFP Publié le 07 novembre 2019 à 10h03

Le cimentier Lafarge, mis en examen en 2018 pour « financement du terrorisme » et « complicité de crimes contre l’humanité », contestait la procédure. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, saisie d’une « requête en nullité », a finalement annulé les poursuites pour « complicité de crimes contre l’humanité » mais maintenu la mise en examen pour « financement du terrorisme ».

Dans cette affaire, Lafarge SA, propriétaire de Lafarge Cement Syria (LCS), est soupçonné d’avoir versé en 2013 et 2014, via cette filiale, près de 13 millions d’euros à des groupes djihadistes, dont l’organisation Etat islamique (EI), afin de maintenir l’activité de son site en Syrie, alors que le pays s’enfonçait dans la guerre.

Le groupe, qui assure avoir toujours eu pour « priorité absolue » d’« assurer la sécurité et la sûreté de son personnel », est également suspecté d’avoir vendu du ciment de l’usine au profit de l’EI et d’avoir payé des intermédiaires pour s’approvisionner en matières premières auprès de factions djihadistes.

Dans le cadre de l’information judiciaire, ouverte en juin 2017 après des plaintes de Bercy et de plusieurs associations, dont l’ONG Sherpa, huit cadres de Lafarge au total ont été mis en examen, pour « financement d’une entreprise terroriste » et/ou « mise en danger ».

Le groupe cimentier, qui a fusionné en 2015 avec le suisse Holcim, s’était vu reprocher de son côté des faits de « complicité de crimes contre l’humanité », « financement du terrorisme », « violation d’un embargo » et « mise en danger de la vie » d’anciens salariés de son usine de Jalabiya (nord).

Quelles responsabilités précises ont eu l’entreprise et ses dirigeants dans les versements à des groupes terroristes ? Si l’existence de remise de fonds à des « groupes armés » est ressortie d’un rapport d’enquête interne, Lafarge SA a toujours contesté sa responsabilité dans la destination de ces paiements.

Lors de l’audience devant la chambre de l’instruction, le 20 juin, la défense du cimentier avait ainsi attaqué la fiabilité des investigations, effectuées à partir de sources ouvertes, notamment des rapports de l’ONU, et rejeté les accusations de « complicité de crimes contre l’humanité ».

« Aucun document expliquant précisément les éléments constitutifs » de ces crimes n’a été fourni et « aucune enquête susceptible de réunir les preuves nécessaires » à leur caractérisation n’a été établie, avaient fait valoir les avocats de l’entreprise.

Des arguments appuyés par l’avocat général, qui a estimé dans ses réquisitions écrites qu’il n’existait « aucun indice grave et concordant » montrant que les anciens salariés parties civiles « auraient été victimes » de la « complicité des crimes contre l’humanité » reprochée jusqu’alors à Lafarge.

Le représentant du parquet général avait en revanche demandé de confirmer les mises en examen de Lafarge et de ses trois dirigeants pour « financement du terrorisme ».

Selon Sherpa, qui s’était constituée partie civile aux côtés de trois associations dans ce dossier, l’accusation de « complicités de crimes pour l’humanité » se fondait sur des « preuves directes », fournies par les témoignages d’anciens employés syriens.

Le 24 octobre, la cour d’appel de Paris avait cependant annulé la constitution de partie civile des associations plaignantes, écartant ces ONG du dossier.

Deux d’entre elles, Sherpa et le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l’Homme (ECCHR), avaient alors annoncé leur intention de se pourvoir en cassation, dénonçant une « décision politique » s’inscrivant dans « un mouvement extrêmement dangereux » de « restriction de l’accès des associations à la justice ».

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