Pour une économie humaniste

Samedi 5 octobre 2019

Pour une économie humaniste

Avec deux ouvrages, Alain Deneault entame son feuilleton ouvrant sur l’action pour des alternatives.

Alain Deneault est philosophe, spécialiste de Georg Simmel. Il a publié différents travaux sur la criminalité économique et sur les enjeux du savoir. Il s’engage ici, avec l’édition de six petits ouvrages rassemblés sous le titre global de Feuilleton théorique, dans un projet de reconstruction de la notion d’économie. L’ambition affichée est de « reprendre l’économie aux économistes » afin de la « dissocier du capitalisme destructeur, inique et pervers » et de la « restituer à celles et ceux qu’elle concerne ».

Dans le premier livre paru, Alain Deneault revient sur l’histoire du concept d’économie et de ses rapports avec l’écologie. Il estime que les physiocrates, pour fonder une science de l’agriculture subordonnée à de prétendues lois du marché, ont détourné le terme économie, signifiant au XVIIIe siècle « l’équilibre de la nature », pour créer « une prétendue science de l’argent et du profit ». Un détournement dont nous continuerions à pâtir. Le concept « d’économie de la nature », qui désigne l’organisation des relations entre les espèces au vu du climat, du territoire et de leur évolution, pense l’imbrication des espèces, y compris les êtres humains, dans un réseau d’interactions riches et complexes. La séparation entre l’économie et l’écologie, tout comme l’injonction actuelle à les concilier, ne se justifie pas. Il faut revenir au concept unitaire d’origine qui seul peut nourrir le grand dessein d’une politique cohérente de la nature. Le deuxième essai porte sur « l’économie de la foi ». Ici, malgré le titre, rien de clérical. Deneault y fustige « l’intendance capitaliste qui s’est arrogée le corpus économique ». Il n’y a à ses yeux « pire foi que celle qui ne s’admet pas ou se conçoit mal ». La condamnation est sans appel. Dénonçant « les rhétoriciens du management », l’auteur estime, à l’opposé d’une science économique oublieuse des finalités, qu’une vraie « profession de foi » est indispensable pour donner sens aux gestes quotidiens. Au total, une réflexion qui, si elle suscitera des débats, vise à retrouver les racines écologiques, sociales ou intellectuelles des la démarche humaniste. Un travail qui annonce aussi les points de rupture possible de notre système économique actuel, et qui ouvre sur l’action.

Jean-Christophe Le Duigou, L’Humanité, 3 octobre 2019

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