Francesco Greco, le magistrat italien qui traque Gucci

Dimanche 17 février 2019

Francesco Greco, le magistrat italien qui traque Gucci

10h00 , le 14 février 2019

Par Bruna Basini envoyée spéciale à Milan (Italie)

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Peu connu du grand public, Francesco Greco, procureur général du tribunal de Milan, réclame 1,4 milliard d’euros à Kering, maison mère de Gucci, et a ouvert la voie en Europe aux redressements fiscaux contre les Gafa.

Pour certains avocats, le couloir de la mort est situé au quatrième étage du palais de justice de Milan. Ils y arrivent résignés à « abandonner tout espoir », comme l’écrit Dante des âmes condamnées à l’enfer dans La Divine Comédie. De part et d’autre, dans des bureaux hors d’âge grands comme des appartements, le corps d’élite des procureurs chargés de traquer criminels en col blanc et fraudeurs fiscaux épluche les dossiers de leurs clients devant des Mac de dernière génération. Les magistrats convoquent, menacent et négocient selon une impitoyable logique « coûts-bénéfices ».

De Berlusconi à Parmalat

C’est ici que les avocats de Kering, maison mère de Gucci, contrôlée par la famille Pinault, ont plaidé pendant des mois pour éviter un méga-redressement fiscal. Peine perdue. Leur chef s’appelle Francesco Greco. Âgé de 68 ans, corps ramassé, yeux revolver, un air d’imprécateur et un nom qui appartient déjà à la légende judiciaire de la péninsule.

Contrairement à son ancien confrère de l’opération Mani pulite (« Mains propres »), Antonio Di Pietro, le magistrat fuit les médias et accumule les trophées : des enquêtes sur les sociétés offshore de Silvio Berlusconi au scandale Parmalat en passant par les déconfitures des grandes banques italiennes. Quand on l’interroge sur la photo iconique où Giovanni Falcone murmure à l’oreille de Paolo Borsellino, les deux magistrats à moustache assassinés l’un après l’autre en 1992 par Cosa Nostra, le procureur général de Milan peine à contenir ses émotions. « Nous avons perdu beaucoup des nôtres », livre-t-il. On rapporte aussi qu’il pleura de rage le 24 juillet 1993 en apprenant le suicide du capitaine d’industrie Raul Gardini (groupe Ferruzzi), soupçonné d’alimenter une caisse noire pour financer les partis politiques.

Le premier à défier les Gafa

Francesco Greco a fait de la lutte contre la délinquance économique la mère de toutes ses batailles. « Mais l’évasion fiscale est le pot-de-vin suprême », répète-t-il à l’envi. Lui, le Napolitain qui a grandi en regardant le Vésuve, a le premier en Europe décidé de démonter les montages fiscaux des géants américains du numérique, d’Apple à Google, sans oublier Amazon et Facebook. Total : quelque 800 millions d’euros soustraits à l’impôt ont été récupérés par le Trésor public italien. Lire la suite.

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