Au Nigeria, une radio lutte contre les bulldozers dans les bidonvilles de Port Harcourt

Mardi 8 août 2017

Reportage

Au Nigeria, une radio lutte contre les bulldozers dans les bidonvilles de Port Harcourt

L’Afrique en villes (8). Près de 500 000 personnes vivent dans les quartiers pauvres, voués à la destruction, de la cité pétrolière.

Par Joan Tilouine (envoyé spécial à Port Harcourt)

LE MONDE Le 07.08.2017 à 18h06 • Mis à jour le 08.08.2017 à 10h01

La nuit, un drôle d’immeuble illumine timidement quelques ruelles étroites de Port Harcourt ; un petit cube design, en bois, alimenté par des panneaux solaires. Un paradoxe de plus de la capitale pétrolière du Nigeria, lovée au cœur du delta du Niger, dans le sud du pays.

L’or noir découvert il y a soixante ans aurait pu rendre la ville prospère, lui permettre de devenir une « smart city ». Las, la région est l’une des plus polluées de la planète et les pétroliers, alliés à l’Etat fédéral, n’ont pas estimé judicieux de consacrer une partie de leurs milliards de pétrodollars au développement local d’une ville qui grossit et s’appauvrit. Près de 1,8 million d’habitants vivent dans cette cité autrefois verdoyante, aujourd’hui grise comme le port pétrolier, comme les eaux de la rivière Bonny, comme le ciel. Alors, dans ce décor industrieux et miséreux, ce petit cube en bois écolo et incandescent détonne.

[…] « Exister sur les cartes »

Des destructions de bidonville se sont poursuivies depuis 2009, mais à une cadence moins soutenue. Chicoco Radio y est peut-être pour quelque chose. En tout cas, elle ne se contente pas d’être une radio, un lieu de création et de réflexion, un immeuble durable et design. Son action est aussi stratégique sur le plan de l’urbanisme sauvage et anarchique de ces quartiers. Michael Uwemedimo veut peser sur la géographie, interpeller avec ce projet multidimensionnel, démontrer qu’il est possible de transformer la ville.

C’est ainsi qu’au fil des ans, des spécialistes internationaux collaborent avec une équipe d’une douzaine d’habitants d’Okrika Waterfront pour réaliser une cartographie rigoureuse de leurs quartiers à l’aide d’un logiciel en open source. Au grand dam des autorités, les bidonvilles absents des cartes officielles sont désormais mieux représentés, sur Google Maps et d’autres plateformes, que les rues du centre administratif de Port Harcourt. La plupart des gens de ces quartiers n’avaient jamais vu de carte de leur vie. Désormais, ils en font.

« Même les policiers les consultent et ils se rendent compte qu’il y a bien des gens qui vivent ici, se réjouit Fubara Tokwibiye. En existant sur les cartes, en nous faisant entendre avec notre radio, en montrant en images la violence des démolitions, on montre qu’il n’y a pas que des criminels. Bien sûr qu’il y a des crimes ici, comme dans tout Port Harcourt. Mais les démolitions de bidonvilles augmentent la criminalité. »

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/08/07/au-nigeria-une-radio-lutte-contre-les-bulldozers-dans-les-bidonvilles-de-port-harcourt_5169748_3212.html#G3jMglkwwvxiLbWX.99

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