A Madagascar, les juges ne veulent plus recevoir des ordres du pouvoir

Lundi 3 juillet 2017

Décryptage

A Madagascar, les juges ne veulent plus recevoir des ordres du pouvoir

L’intervention du ministre de la justice pour protéger « Mme Claudine », une proche conseillère du président, est le scandale de trop pour les juges, qui appellent à nouveau à la grève.

Par Laurence Caramel

LE MONDE Le 02.07.2017 à 19h31

La guerre est déclarée  : pour la deuxième fois en moins d’un mois, les magistrats malgaches ont voté la grève pour réclamer le respect de l’indépendance de la justice.

Mercredi 29 juin, l’unique Syndicat des magistrats de Madagascar (SMM) a mis en demeure le chef de l’Etat de lui donner des assurances sous dix jours, faute de quoi le mot d’ordre de grève serait appliqué. Le 8 et 9 juin, les 42 tribunaux de l’île avaient tiré le rideau.

« L’appareil d’Etat se rebelle, il est entré en résistance contre des violations de la justice qui ne sont plus tolérables », prédit l’avocat Harotsilavo Rakotoson qui, en travaillant sur l’intarissable trafic de bois de rose, observe de près l’impunité dont jouissent les puissants sur la Grande île.

« Une menace pour ceux qui sont impliqués »

Personne n’avait anticipé cette épreuve de force. A commencer par Claudine Razaimamonjy, symbole désormais de ces pratiques honnies par les Malgaches. Femme d’affaires peu connue du grand public et conseillère spéciale du président de la République, « Mme Claudine », avait cru pouvoir se soustraire aux deux convocations adressées par le Bureau indépendant anti-corruption (Bianco) dans le cadre d’une enquête sur le détournement de subventions publiques destinées aux communes. Jusqu’à son arrestation le 3 avril sur le parking d’un stade d’Antananarivo, où elle venait d’assister à un match de l’équipe de basket dont elle est propriétaire.

L’histoire aurait pu s’arrêter là pour laisser la justice suivre son cours à l’abri des pressions si Charles Andriamiseza, le ministre de la justice en personne, n’avait décidé de demander publiquement la libération de la conseillère pour éviter une prolongation de sa garde à vue. Les confidences d’un membre du Bianco éclairent les conditions dans lesquelles travaillent les enquêteurs : « Il n’est pas inhabituel que nous procédions à une deuxième garde à vue de quarante-huit heures. Et dans le cas présent, nous savions que si nous libérions cette dame, il serait très difficile de l’interroger à nouveau. Nous avons dû préparer son arrestation pendant des mois et attendre un moment où ses gardes armés, qui appartiennent aux forces de l’ordre, soient moins nombreux pour intervenir », raconte-t-il.

« Seules les petites gens vont en prison »

[…] « Le cas de Claudine Razaimamonjy n’est pas le seul ni le premier, mais il a été démasqué et il est le symbole de l’immixtion de l’exécutif dans les procédures » : de passage à Paris, mardi 27 juin, Fanirisoa Ernaivo, la jeune présidente du Syndicat des magistrats malgaches, a dénoncé une situation qui aboutit à ce que « seules les petites gens vont en prison ».

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