Mozambique : ENI lance son projet de gaz … pour financer la dette cachée ?

Mardi 6 juin 2017

Mozambique : ENI lance son projet de gaz … pour financer la dette cachée ?

Elisabeth Studer

Le Mozambique , un pays à surveiller de près de peur que la malédiction du pétrole ne s’abatte sur lui … Le géant pétrolier italien ENI a officiellement lancé jeudi à Maputo son gigantesque projet gazier dans le nord du pays. L’investissement du groupe énergétique est tel – 8 milliards de dollars – qu’il espère que son montant permettra au pays de devenir un futur « Qatar africain ».

« Aujourd’hui est un grand jour, c’est le premier de nos projets gaziers au Mozambique, nous posons les jalons d’un grand avenir », a déclaré à cette occasion le PDG de ENI, Claudio Descalzi. Laissant par ailleurs entendre que le groupe italien n’allait pas s’arrêter en si bon chemin, le pays étant doté d’importantes réserves d’ores et déjà identifiées.

Cette annonce de décision finale d’investissement était en effet largement attendue, marquant le début de l’exploitation des immenses réserves de gaz découvertes dans le nord du Mozambique depuis 2010, estimées à 5.000 milliards de mètres cubes. Des volumes qui devraient – si l’on en croit les experts – faire de ce pays pauvre d’Afrique australe l’un des principaux exportateurs de gaz naturel liquéfié (GNL) au monde, avec le Qatar et l’Australie, aux alentours de 2025.

Le président du Mozambique, Filipe Nyusi a déclaré à cette occasion qu’il s’agissait d’un projet sans précédent en Afrique subsaharienne. Il est vrai que selon le PDG de ENI, le projet doit rapporter 16 milliards de dollars au gouvernement sur 25 ans.

[…] Le Mozambique pris dans la tourmente d’un scandale financier majeur -

A noter que l’annonce de ENI intervient quelques jours à peine avant la publication – après plusieurs reports – d’un rapport d’audit mené par le cabinet de renseignements new-yorkais Kroll . Le Mozambique et ses partenaires financiers attendent en effet avec impatience les conclusions d’un audit censé faire toute la lumière sur la « dette cachée » par le gouvernement. Une affaire qui a d’ores et déjà coûté au pays l’aide du FMI, et qui constitue une véritable bataille entre Filipe Nyusi et son prédécesseur Armando Guebuza, les deux hommes, jadis proches, tentent désormais dans l’ombre de s’exonérer personnellement de toute responsabilité dans ce scandale, rejetant chacun la faute sur l’autre, l’actuel Président étant ministre de la Défense au moment des faits.

Rappelons qu’entre 2012 et 2014, trois entreprises à capitaux publics liées aux services secrets et au ministère de la Défense du Mozambique ont emprunté 2 milliards de dollars au Crédit suisse et à la banque russe VTB en vue d’acquérir une flotte de chalutiers et d’embarcations militaires aux chantiers navals français. Originellement émis par la Compagnie mozambicaine de thon, dite Ematum, l’emprunt avait servi à financer l’acquisition d’une flotte de 24 bateaux de pêche au thon aux Constructions Mécaniques de Normandie (CMN) de Cherbourg. Mais l’opacité sur la constitution d’Ematum et sur la répartition des fonds, la présence de six embarcations militaires dans le contrat avec les CMN, et les déclarations contradictoires du précédent gouvernement avaient conduit les médias locaux à crier au scandale. D’autant plus que le gouvernement s’était alors abstenu de demander l’autorisation au Parlement, comme l’exige pourtant la Constitution.

En avril 2016, la communauté financière internationale découvre une dette internationale de près de 1.4 milliard de dollars, dissimulée au FMI par les autorités mozambicaines, contractée en toute opacité par des entreprises publiques, en vue d’acquérir des embarcations militaires et du matériel de défense, au travers de 3 marchés, notamment confiés à la France. Lire la suite.

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