Monaco : MORT DANS SON COFFRE-FORT

Lundi 6 décembre 1999 — Dernier ajout samedi 16 juin 2007

Journal l’Humanité

Rubrique Société

Article paru dans l’édition du 6 décembre 1999.

Monaco : MORT DANS SON COFFRE-FORT

De notre correspondant régional.

Le procureur général de Monaco, Daniel Serdet estime que le richissime banquier libanais Edmond Safra et son infirmière philippine Viviane Torrente auraient pu échapper à l’incendie criminel qui a ravagé vendredi dernier le duplex de 1 000 m2 que s’était fait construire le patron de la Republic Bank of New York, au dernier étage de La Belle Époque, somptueux immeuble abritant les sièges monégasques de trois banques : la sienne, Paribas et celle du Gothard. Mais le milliardaire, réfugié dans sa salle de bain où il a été retrouvé asphyxié, s’est obstinément refusé, malgré les appels téléphoniques de son épouse, à déverrouiller la porte blindée de sa demeure, confondant malfrats et pompiers. Ces derniers n’avaient pu briser aucune vitre, toutes également blindées.

Obsédé par sa sécurité depuis qu’il pensait faire l’objet d’un « contrat », Edmond Safra s’était fait connaître du grand public en accueillant Ronald Reagan à La Léopolda. Cette ancienne résidence d’été du roi de Belgique, extraordinaire propriété dominant la rade de Villefranche-sur-Mer, était équipée d’un abri antiatomique et surveillée en permanence par caméras et gardiens. Comme l’était à moindre échelle (mais avec l’omniprésente police monégasque en plus) La Belle Époque… où les incendiaires semblent être entrés au petit matin, comme dans un moulin.

Un infirmier, toujours hospitalisé à Monaco, aurait déclaré aux enquêteurs qu’il avait été poignardé puis assommé, dans un local contigu au duplex, par deux hommes cagoulés.

Affaire crapuleuse ou attentat mafieux ? Cette seconde hypothèse vient à l’esprit sachant qu’Edmond Safra, qui avait dû se défendre d’accusations de blanchiment d’argent sale lorsqu’il dirigeait en Suisse la Trade Development Bank, prêtait des fonds à des affairistes de Russie.

En tout cas, la mort du banquier met en émoi les dirigeants politiques monégasques et les services de sécurité dont l’importance et l’efficacité étaient jusqu’à présent garants de la tranquillité d’une Principauté affichant l’ambition de devenir une sorte de Hong Kong méditerranéen. Le petit paradis fiscal qui se transforme ainsi en place financière internationale recèle actuellement, sur quelques centaines de mètres carrés seulement, 70 établissements bancaires qui ont, officiellement, en dépôt, 225 milliards de francs. L’activité bancaire, en progression de 29 % l’an dernier, représente déjà un cinquième du « chiffre d’affaires » de la Principauté. Protéger ces banques et leurs dirigeants est donc une priorité absolue de l’État princier. Voilà quelques années, Rainier III avait exigé et obtenu le limogeage du patron (français) de la police. C’est que le nombre de hold-up avait connu une hausse exceptionnelle de 33 % en un an, passant de deux à trois…

Philippe Jérôme

Publié avec l’aimable autorisation du journal l’Humanité.

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