En Afrique sur la piste de l’argent sale

Vendredi 15 juin 2007

Libération, En Afrique sur la piste de l’argent sale, 03/02/1996 (Antoine GLASER et Stephen SMITH) : « Dans pratiquement toutes les affaires de fausses factures et de corruption en France, des pistes mènent en Afrique, lieu d’intermédiation financière ou de blanchiment des capitaux.

[…] A la veille du premier tour de la présidentielle de 1981, un Président d’Afrique centrale a fait déposer à l’hôtel de la rue des Beaux-Arts, à Paris, trois « valises » africaines au contenu identique pour les candidats les mieux placés.

[…] Michel Pacary, cet intermédiaire [dans le refinancement de la dette] des collectivités locales qui […] a reconnu avoir contribué au financement occulte du RPR, du PR et de personnalités PS, […] a obtenu, en mai 1992, un "mandat exclusif« pour le montage d’opérations financières gagées sur le pétrole congolais. Une technique d’endettement qui, depuis, a été perfectionnée au point de »pré-vendre" l’or noir en terre jusqu’à son hypothétique extraction au XXIe siècle. […] Il a monté l’opération Congo Renaissance, réceptacle de projets de développement et d’opérations humanitaires.

[…] Au Cameroun, les recettes pétrolières ont longtemps été gérées « hors budget » sur des comptes spéciaux à New York et à Paris. Officiellement, il s’agissait de « réserves » pour les temps difficiles, qui depuis sont arrivés […]. Mais les Camerounais n’ont rien vu venir des « réserves », épuisées par leurs gouvernants et leurs « amis » étrangers. Ainsi, la société française de négoce Sucres et Denrées (Sucden) a-t-elle eu droit à « l’enlèvement » hebdomadaire d’un pétrolier, à la destination inconnue. La pratique n’avait rien d’exceptionnel […].

Si Michel Pacary a été l’artisan de la combine franco-africaine, André Kamel [PDG de Dumez-International, filiale de la Lyonnaise des Eaux du RPR Jérôme Monod] en était l’industriel […], incontournable pour tous les contrats - et commissions - sur l’Afrique et le Moyen-Orient. […] Il est poursuivi pour avoir fait transiter de « l’argent politique » sur les comptes des filiales africaines du groupe [Dumez]. On imagine mal des enquêteurs français dans les méandres des banques de Lagos où il n’y a pas d’archives. Lorsque de la documentation comptable s’accumule dans des sièges aussi sensibles que celui de la NNPC [pétrole nigérian], un incendie remet les compteurs à zéro.

[…] La Commission des Opérations de Bourse s’est intéressée aux "cadeaux" accordés au groupe Bidermann, aujourd’hui en guenilles, par la filiale financière d’Elf Gabon [cf. Billets n° 31]. L’affaire s’est envenimée par l’animosité personnelle que porte l’actuel PDG d’Elf Aquitaine, Philippe Jaffré, à son prédécesseur Loïk Le Floch-Prigent […]. Au nom de son groupe, lésé d’une perte de plus de 800 millions dans l’affaire Bidermann, Philippe Jaffré a porté plainte contre X pour "abus de biens sociaux, abus de confiance, complicité…". Afin de limiter les dégâts, les plus hauts responsables de la République sont intervenus pour circonscrire la vendetta […].

Car, au-delà de l’affaire Bidermann qui n’est qu’une "faveur" atypique […], tout le dispositif financier de la compagnie pétrolière française en Afrique risque d’être mis sur la table. Et là, pour ne parler que de l’actuelle majorité, les réseaux balladuriens, chiraquiens et pasquaïens sur le continent seraient menacés par la tornade blanche ».

[Selon le bâtonnier Jean-Louis Denard (! ), avocat d’André Kamel, la détention de ce dernier compromet « la politique africaine de la France » ! Elle est à ce point kamelisée ? ].

Extrait de Billets d’Afrique et d’Ailleurs N°32 - Mars 1996 -

Billets d’Afrique et d’Ailleurs est la revue mensuelle éditée par Survie.

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