Le procès Jérôme Cahuzac s’ouvre lundi

Vendredi 5 février 2016

Le procès Jérôme Cahuzac s’ouvre lundi

L’ex-ministre du Budget doit comparaître, jusqu’au 18 février, pour fraude fiscale et blanchiment devant le tribunal correctionnel de Paris.

Source AFP Publié le 04/02/2016 à 09:54 | Le Point.fr

Il avait menti au fisc, au président de la République, aux députés, aux journalistes, aux Français. Trois ans après la déflagration, Jérôme Cahuzac est jugé à partir de lundi 8 février pour avoir dissimulé. L’ex-ministre du Budget, 63 ans, doit comparaître, jusqu’au 18 février, pour fraude fiscale et blanchiment devant le tribunal correctionnel de Paris et aussi pour avoir « minoré » sa déclaration de patrimoine en entrant au gouvernement.

Étoile montante de la galaxie socialiste, ce fils de résistants qui devait incarner l’orthodoxie budgétaire a finalement été le premier accroc à la « République exemplaire » promise par François Hollande. Acculé à la démission en mars 2013, il a renoncé à tous ses mandats, a quitté la politique et a fait enfin face aux juges, accompagné de son épouse - dont il est séparé -, de son banquier suisse et d’un ex-avocat basé à Dubaï. Il risque une peine allant jusqu’à sept ans de prison et deux millions d’euros d’amende. Une inconnue pèse toutefois sur ce procès : la défense entend poser des « questions prioritaires de constitutionnalité », contestant notamment le cumul de sanctions pénales et fiscales. Si le tribunal les accepte, le procès sera reporté de plusieurs mois, comme c’est arrivé récemment au marchand d’art Guy Wildenstein, également jugé pour fraude fiscale et blanchiment. Quelle que soit la décision, caméras et photographes se presseront lundi pour celui qui a, le premier, ébranlé le quinquennat de la « normalité ».

Les « yeux dans les yeux »

Début janvier 2013, le parquet ouvre une enquête à la suite de révélations publiées un mois plus tôt par le site d’information Mediapart sur un compte caché, d’abord en Suisse puis à Singapour, de Jérôme Cahuzac. L’ancien président de la commission des Finances de l’Assemblée, qui se présente alors comme le chevalier blanc de la lutte contre la fraude fiscale, commence par tout nier. « Les yeux dans les yeux » des médias, des députés, du président. Mais les preuves s’accumulent et il passe finalement aux aveux. Depuis, les juges d’instruction Roger Le Loire et Renaud van Ruymbeke ont démonté les mécanismes d’une fraude fiscale « obstinée », « sophistiquée » et « familiale ».

À l’origine de cette entreprise, Jérôme Cahuzac, chirurgien de formation, et sa femme Patricia Ménard, qui ont tenu ensemble une florissante clinique spécialisée dans les implants capillaires avant de se séparer. Aux côtés des Cahuzac, leurs conseillers : le banquier François Reyl et l’avocat Philippe Houman. La très discrète banque genevoise Reyl est elle aussi mise en examen, comme personne morale. Ils se sont livrés, entre 1992 et 2013, à des manœuvres dont le récit, tel qu’il est fait par les enquêteurs, oscille entre roman de gare et manuel de délinquance financière internationale. Il fallait placer l’argent qui coulait à flots, de la clinique mais aussi des activités de conseil de Jérôme Cahuzac auprès de laboratoires pharmaceutiques. On y apprend comment Jérôme Cahuzac, sous le nom de code « Birdie », se fait livrer par deux fois 10 000 euros, en espèces, dans la rue, à Paris.

Gestion familiale

On y suit les routes toujours plus sinueuses de la fraude fiscale. Un premier compte ouvert par un « ami » en 1992 à UBS, puis un autre au nom de Cahuzac lui-même l’année suivante. En 1998, tous les avoirs sont transférés chez Reyl. Lorsque le sacro-saint secret bancaire suisse commence à se fissurer en 2009, les quelque 600 000 euros qu’y détient Jérôme Cahuzac prennent la route de Singapour en faisant un détour par une société-écran enregistrée aux Seychelles et mise en place par un intermédiaire basé à Dubaï. La femme de Cahuzac, dermatologue, a, elle, choisi l’île de Man pour déposer des chèques de clients anglais, avant d’ouvrir son propre compte en Suisse, sur fond de brouille avec son époux.

Jusqu’à la mère de l’ancien ministre, qui n’est pas elle-même mise en cause mais dont les comptes servent à « blanchir », entre 2003 et 2010, quelque 200 000 euros de chèques établis par des clients de la clinique Cahuzac. Il s’agissait d’une « gestion familiale », dira plus tard aux enquêteurs Patricia Cahuzac. L’argent a servi à payer des vacances somptuaires en Corse ou des appartements aux enfants à Londres. Depuis, elle a revendu les appartements et s’est acquittée d’un redressement de plus de deux millions. L’ancien ministre a lui aussi régularisé sa situation fiscale. Reste le marathon judiciaire.

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