Marchand suisse contre oligarque russe : décision de la justice monégasque le 12 novembre

Jeudi 24 septembre 2015

Marchand suisse contre oligarque russe : décision de la justice monégasque le 12 novembre

Publié le 24/09/2015 à 18:34 - Modifié le 24/09/2015 à 18:35 | AFP

Le procureur de Monaco a-t-il diligenté une enquête favorisant un richissime résident russe, le président de l’AS Monaco Dmitry Rybolovlev, qui affirme avoir été escroqué potentiellement d’un milliard de dollars par son négociant d’art suisse Yves Bouvier ? La Cour d’appel de Monaco se prononcera le 12 novembre.

Le ténor du barreau parisien Me Francis Szpiner, secondé par l’ex-ministre français François Baroin, ont présenté jeudi à huis clos une « requête en nullité de procédure » devant la Cour d’appel de Monaco, pour obtenir l’arrêt des poursuites contre le Suisse.

Ils ont pointé des présumées anomalies de l’enquête préliminaire ouverte par le procureur de Monaco Jean-Pierre Dreno, actuellement en partance du Rocher.

« Je dis que le procureur général de Monaco a privatisé l’action publique au profit d’un particulier qui s’appelle M. Dmitry Rybolovlev », tonne Me Szpiner, surpris par la « célérité extraordinaire » de l’enquête.

L’homme d’affaires suisse Yves Bouvier -spécialisé dans le transport et l’entreposage d’œuvres d’art, propriétaire de ports francs à Singapour et au Luxembourg- estime avoir été attiré à Monaco dans un guet-apens au domicile de l’oligarque, le 25 février 2015. Attendu par la police monégasque, il avait été mis en examen trois jours plus tard pour « escroqueries » et « complicité de blanchiment ».

Yves Bouvier a négocié 37 œuvres rares pour 2 milliards de dollars formant la fabuleuse collection d’art de Dmitry Rybolovlev. Elles appartiennent à deux sociétés offshore des Iles vierges britanniques, détenues par un trust chypriote au nom de ses deux filles du Russe.

Une plainte avait été déposée par ces sociétés contre Bouvier le 9 janvier à Monaco, lorsque Rybolovlev avait compris que le Suisse réalisait d’incroyables plus-values.

Le milliardaire estime que Bouvier devait jouer un rôle d’intermédiaire, négociant pour lui contre une commission de 2%.

Le Suisse se présente comme un commerçant d’art qui devenait propriétaire des tableaux avant de les revendre au Russe. Il estime qu’il avait le droit de faire des plus-values.

  • ’Shopping judiciaire’ -

Yves Bouvier aurait perçu au total « entre 500 millions et 1 milliard de dollars » pour fournir la collection, selon une extrapolation faite par la défense du Russe à partir de certaines ventes.

« Aujourd’hui la collection de Rybolovlev vaut plus cher que ce qu’il l’a achetée ! » rétorque Me Szpiner, en soulignant que l’oligarque vient de perdre une procédure visant à geler les comptes de Bouvier à Singapour. « M. Rybolovlev fait du shopping judiciaire ! Il pensait qu’il serait mieux entendu à Monaco qu’à Genève ! » tacle l’avocat.

Au cours de l’audience de jeudi, un substitut du procureur de Monaco n’a pas donné raison aux avocats de Bouvier. La décision de la Cour d’appel a été mise en délibéré jusqu’au 12 novembre.

« Nous pensons que la Cour rejettera leurs demandes », a commenté pour sa part l’un des quatre avocats de M. Rybolovlev, Me Jean-Michel Darrois.

« La justice monégasque n’a pas été trop bienveillante à l’égard de notre client. Elle a été tout à fait normale en interrogeant des témoins, en interrogeant des banques, en réunissant des preuves qui ont conduit à la désignation d’un juge instruction », a-t-il insisté.

Selon Me Darrois, « tout cela révèlera que M. Bouvier a abusé de la confiance de M. Rybolovlev ».

Selon la défense du Russe, c’est une bombe qui avait explosé le 31 décembre 2014, lors d’un dîner entre Dmitry Rybolovlev et un consultant d’art new-yorkais. Ce dernier lui parle d’un tableau de Modigliani cédé par un Américain pour 93,5 millions de dollars. Or Rybolovlev sait qu’il a acquis cette même œuvre, « Nu couché au coussin bleu », pour 118 millions de dollars.

Yves Bouvier avait été introduit en 2003 auprès du Russe par une proche de nationalité bulgare, Tania Rappo. Bouvier lui versera des commissions pour chaque tableau vendu, ce qui vaudra à Mme Rappo une mise en examen en février à Monaco pour « blanchiment ».

Le Suisse a été mis en examen le 14 septembre à Paris dans une enquête parallèle sur des vols présumés d’œuvres de Picasso, sur plainte d’une héritière. Rybolovlev, partie civile, a remis jeudi à la justice française deux de ces Picasso, acquis pour 27 millions d’euros par l’entremise de Bouvier.

24/09/2015 18:32:43 - Monaco (AFP) - Par Catherine MARCIANO - © 2015 AFP

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