Les Pays-Bas, une des cibles du durcissement de la lutte contre l’évasion fiscale

Jeudi 10 juillet 2014

Les Pays-Bas, une des cibles du durcissement de la lutte contre l’évasion fiscale

Le Monde.fr | 10.07.2014 à 17h14 • Mis à jour le 10.07.2014 à 17h59 | Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)

L’Europe poursuit sa guérilla contre l’évasion fiscale. Lors de l’Ecofin du 20 juin, les ministres des finances ont révisé, pour la durcir, la directive dite « mères-filiales », suivant en cela des propositions émises par la Commission européenne à l’automne 2013.

Initialement, cette directive avait pour objectif d’éviter que des sociétés ne soient taxées deux fois quand elles transfèrent de l’argent d’un Etat à un autre, d’un siège vers une filiale. Mais, au fil du temps, par des pratiques d’optimisation fiscale, le système a été dévoyé. Exploitant les différences entre les règles fiscales nationales, certains groupes parvenaient à échapper à l’impôt sur certains types de bénéfices distribués au sein du groupe. Et ce, que ce soit dans l’Etat où est installé la maison-mère ou dans celui où sont basées les filiales. C’est ce qu’on appelle la double non-imposition.

Longtemps combattue par le Luxembourg et les Pays-Bas, la directive modifiée vise à corriger ces abus. Le texte doit encore être transposé par tous les Etats membres avant la fin de 2015.

« ENQUÊTES APPROFONDIES »

L’opposition des Pays-Bas a une explication rationnelle. Le royaume est devenu l’une des terres d’accueil privilégiées des grandes multinationales, non pour son climat et ses fromages, mais bien pour ses avantages fiscaux.

Quelque 48 % des sociétés reprises dans l’indice Fortune 500, qui recense les 500 plus grandes entreprises américaines, possèdent désormais dans ce pays des filiales qui leur permettent de payer moins d’impôts. Les Pays-Bas devancent, dans ce classement, Singapour, Hongkong, les îles Cayman ou d’autres havres européens à la fiscalité accueillante, comme l’Irlande ou le Grand Duché de Luxembourg.

90 MILLIARDS DE DOLLARS D’IMPÔTS EN MOINS

[…] Diverses organisations non gouvernementales s’intéressent désormais de très près à ces questions. Deux d’entre elles, les américaines Citizen for Tax Justice (CTJ) et Public Interest Research Group (PIRG), ont publié, en juin, un rapport chiffrant à 90 milliards de dollars ( 66,2 milliards d’euros) le montant des impôts épargnés par les grandes multinationales américaines grâce aux montages opérés dans différents pays, dont les Pays-Bas.

En 2010, dernière année étudiée, 127 milliards de dollars (93,4 milliards d’euros) ont été transférés vers ce pays par des multinationales américaines. Les géants de l’industrie possèdent d’innombrables sociétés aux Pays-Bas, indiquent CTJ et PIRG : 82 pour l’électricien AES, 46 pour le groupe pharmaceutique Merck, 42 pour Dow Chemical ou 33 pour PepsiCo. Le Congrès américain commence à s’alarmer de cette situation, qui débute souvent par le rachat de concurrents européens et s’achève par une délocalisation du quartier général dans un pays à fiscalité attractive de l’Union.

PAS UN « PARADIS FISCAL »

Précédemment, Action Aid International, une organisation de lutte contre la pauvreté, avait étudié les constructions fiscales des 100 plus grandes compagnies britanniques. Elles possédaient au total 1 200 sociétés aux Pays-Bas et, selon les auteurs, seul l’Etat américain du Delaware pouvait se montrer encore plus « hospitalier » pour ces entreprises. Une autre enquête, évoquée par le Volkskrant d’Amsterdam, a montré qu’au total, 12 000 milliards d’euros transitaient annuellement par les sociétés – souvent de simples boîtes postales – établies aux Pays-Bas. Soit 20 fois le produit intérieur du pays…

Le gouvernement de La Haye est mal à l’aise. Lire la suite sur le site du journal Le Monde.

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