Espagne : l’infante Cristina dans la tourmente

Mercredi 25 juin 2014

Espagne : l’infante Cristina dans la tourmente

Le Point.fr - Publié le 25/06/2014 à 15:15

Après quatre ans d’instruction, l’inculpation de la soeur du roi pour fraude fiscale a été maintenue mercredi, ouvrant la voie à un éventuel procès.

Source AFP

Un juge espagnol a maintenu mercredi l’inculpation pour fraude fiscale de la soeur du roi, l’infante Cristina, ouvrant la perspective d’un éventuel procès, six jours seulement après l’avènement de Felipe VI. Après quatre ans d’un travail de fourmi, le juge José Castro, du tribunal de Palma de Majorque aux Baléares, a clos son instruction sur l’affaire de corruption dont le principal accusé est Iñaki Urdangarin, l’époux de Cristina, soupçonné d’avoir détourné plusieurs millions d’euros d’argent public.

L’infante, âgée de 49 ans, aurait, selon le juge, collaboré avec son époux de manière « active ». « Il existe des indices suffisants », écrit-il dans son arrêt de 167 pages, montrant que Cristina « s’est enrichie » et « a donné à son mari les moyens de le faire, par sa collaboration silencieuse ». Depuis deux ans et demi, le couple, écarté des activités officielles de la famille royale, est au cœur du scandale qui a contribué à faire plonger la popularité de la couronne d’Espagne, jusqu’au coup de théâtre le plus spectaculaire : l’abdication, le 18 juin, du roi Juan Carlos.

« L’affaire Noos »

Ce 19 juin, Cristina, qui longtemps incarna l’image d’une princesse moderne et insouciante, était la grande absente au Congrès des députés, à Madrid, où son jeune frère promettait en prêtant serment de défendre une monarchie « intègre, honnête et transparente ». Pour Felipe VI, âgé de 46 ans, les retombées de cette affaire constitueront l’une des premières embûches d’un délicat début de règne. Car malgré la distance qui s’est installée au sein de la famille, il reste à mesurer quel impact aura le scandale sur la popularité du roi, et si l’abdication de Juan Carlos a pu créer un coupe-feu susceptible de préserver son fils. « Depuis le début dans cette affaire, il a pris ses distances, mais inévitablement les gens vont penser que c’est sa soeur. Cela ne devrait pas lui nuire excessivement mais, bien sûr, lui porter préjudice », résumait l’écrivain José Apezarena, auteur d’un livre sur le nouveau roi. Prudente, la maison royale s’est limitée à exprimer son « respect total envers la justice ».

Mercredi, le juge a rendu son arrêt final dans « l’affaire Noos », du nom de la société à but non lucratif que présidait, entre fin 2003 et 2006, Iñaki Urdangarin, un ancien médaillé olympique de handball reconverti dans les affaires. L’infante faisait partie de la direction de cette société, qui passait des contrats avec les autorités des Baléares et de Valence pour l’organisation d’événements liés au sport. Elle, blonde et souriante, lui, sportif et élégant, le couple affichait alors une image de réussite, à l’ombre d’une monarchie longtemps restée intouchable.

« Je ne suis pas au courant »

Le juge a donc confirmé l’inculpation de 16 personnes, dont Cristina, son mari, âgé de 46 ans, et l’ex-associé de ce dernier Diego Torres, soupçonnés tous deux d’avoir détourné 6,1 millions d’euros d’argent public via l’institut Noos. La décision de les renvoyer ou non en procès sera prise par le tribunal provincial, une instance supérieure, une fois épuisés les appels, dont celui du procureur anticorruption, qui juge les indices insuffisants, et de la défense. Mais le juge Castro, réputé intègre et infatigable, a déjà lâché plusieurs bombes : en inculpant Cristina, en janvier, puis en la convoquant.

Au printemps 2013, une première mise en examen avait été annulée à la demande du parquet. Le magistrat s’était alors orienté vers des soupçons de fraude fiscale et blanchiment via Aizoon, une société détenue à parts égales par Cristina et son époux, dont les caisses auraient été alimentées, pour environ un million d’euros, par de l’argent public détourné par Iñaki Urdangarin. Depuis un an, le juge Castro a épluché minutieusement les comptes et déclarations d’impôts de Cristina, faisant apparaître, dans la comptabilité de Aizoon, des dépenses suspectes, liées à la vie familiale ou consacrées à la rénovation de la luxueuse villa achetée par le couple en 2004 à Barcelone.

« Il y a une énorme quantité de factures » correspondant « à des dépenses exclusivement privées qui a été imputée à la comptabilité d’Aizoon », écrit le juge, citant, parmi une longue liste, un voyage en famille à Rio de Janeiro pour 5 000 euros ou un tableau à 4 400 euros. Face au magistrat, le 8 février, la soeur de Felipe avait joué la carte de l’amour, répétant : « Je ne suis pas au courant. C’est mon mari qui s’occupait de cela. »

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