Paradis fiscaux : Bercy blanchit les Bermudes et Jersey

Jeudi 9 janvier 2014

Paradis fiscaux : Bercy blanchit les Bermudes et Jersey

LE MONDE | 08.01.2014 à 12h36 • Mis à jour le 08.01.2014 à 18h47 | Par Anne Michel

Le ministre de l’économie, Pierre Moscovici, va prendre un arrêté, dans les tout prochains jours, si l’agenda politique le permet, pour sortir Jersey et les Bermudes de la liste noire des paradis fiscaux. Le texte est prêt. Il n’attend plus que l’aval du ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius.

[…] Pour le gouvernement, le retour en grâce de Jersey et des Bermudes salue les récents efforts de ces derniers pour coopérer avec l’administration fiscale française sur des cas de fraude fiscale présumée de particuliers et d’entreprises. Depuis leur fichage il y a quatre mois, le 21 août 2013, lors de la mise à jour de la liste noire des paradis fiscaux pour 2013, ces deux territoires sous pavillon britannique auraient multiplié les gages de bonne volonté.

Plus précisément, argumente Bercy, une quarantaine de dossiers en souffrance, dont certains « depuis des années », ont été relancés dans le cadre de procédures dites d’entraide administrative. La quasi-totalité des demandes ont obtenu des réponses.

« Les services du contrôle fiscal sont formels, Jersey et les Bermudes évoluent, les dossiers bloqués depuis des années ont abouti », affirme-t-on au cabinet de M. Moscovici. « Même s’il n’a duré que très peu de temps, le fichage de ces territoires a eu de l’effet et démontré l’utilité de telles listes pour mettre la pression sur les Etats et faire progresser la coopération fiscale et la transparence », ajoute un collaborateur du ministre.

DES LOBBIES ACTIFS

Mais l’empressement de Bercy à « blanchir » Jersey et les Bermudes repose aussi sur des considérations économiques. Le fichage sur liste noire, s’il excède douze mois, implique, en effet, des mesures de rétorsion financières très sévères pour les entreprises présentes dans les territoires fichés. Le code général des impôts prévoit une taxation très élevée des flux financiers transitant par ces territoires.

Et c’est peu dire que cette perspective inquiétait les milieux d’affaires français, notamment les banques et les assureurs, particulièrement actifs dans ces deux juridictions ou en affaires avec celles-ci. Les lobbies financiers n’avaient pas manqué de le faire savoir au gouvernement. Les Bermudes et Jersey sont eux-mêmes montés au créneau.

Les Bermudes sont, en effet, le berceau historique de la « réassurance » et des réassureurs, ce métier qui consiste à assurer les assureurs sur les risques qu’ils couvrent et les pertes qu’ils encourent.

L’environnement fiscal et réglementaire privilégié qu’offre le petit archipel à cette activité – et plus particulièrement à la réassurance de catastrophes naturelles – a fait de lui l’un des principaux acteurs mondiaux du marché de la réassurance, avec une part de 8 % du marché. La réassurance est le principal moteur du PIB bermudien.

« DÉCISION SURPRENANTE »

Or, son maintien sur liste noire aurait entraîné l’instauration d’un prélèvement forfaitaire à la source de 75 % sur les produits de placement et interdit toute forme d’exonération fiscale pour les filiales de groupes français. Autant dire que les transactions avec Hamilton, la capitale des Bermudes, auraient perdu toute forme d’intérêt.

Quant à Jersey, dont la prospérité repose elle aussi sur la finance et la mise en place des fameux trusts, ces structures financières permettant de dissimuler l’identité de leurs propriétaires réels, les banques françaises y sont présentes et actives, à l’exemple de BNP Paribas et de la Société générale. Les deux banques auraient elles aussi défendu leurs intérêts ces dernières semaines.

Se défendant d’avoir été influencé par tout lobbying, Bercy estime qu’il « fallait prendre acte des progrès intervenus et offrir de la sécurité juridique aux entreprises » liées à ces territoires. Lire la suite.

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