Les capitaines-régents du rocher de Titan

Mardi 6 août 2013

Les capitaines-régents du rocher de Titan

LE MONDE | 06.08.2013 à 08h09 | Philippe Ridet

Ils vont par deux, comme les perruches ou les Dupondt d’Hergé. C’est ensemble qu’ils nous reçoivent assis sur deux fauteuils identiques dans le Palazzo Pubblico (« palais public ») sur les pentes du mont Titano, à Saint-Marin, aux confins des Marches et de l’Emilie-Romagne. A gauche, Antonella Mularoni ; à droite Denis Amici. Elle est juriste, lui est entrepreneur.

Depuis le 1er avril, ils exercent la fonction de « capitaines-régents » de la République de Saint-Marin. Autrement dit, ils sont chefs d’Etat, payés 5 000 euros par mois. Choisis au sein du groupe majoritaire (centre-droit) du Grand Conseil général (le Parlement), ils en orientent les travaux. Ils remettront leur mandat le 1er octobre. C’est ainsi depuis 1243… Un semestre de pouvoir, même dans le cinquième plus petit pays du monde après le Vatican, Monaco, Nauru et Tuvalu, c’est bien assez.

[…] TURNOVER DES ÉLUS ET LEUR CONTRÔLE PAR LES CITOYENS

Mais Saint-Marin n’a pas seulement inventé le turnover des élus et leur contrôle par les citoyens, soit le « grillinisme » avant Beppe Grillo. La République a longtemps été adepte du secret bancaire et des sociétés anonymes. Le premier bâtiment aperçu, tout de suite après le château, en venant d’Urbino, est celui de la banque centrale, et le GPS se met soudain à indiquer les distributeurs automatiques d’une des huit banques du territoire, signalés comme des points d’eau dans un désert.

Une fiscalité alléchante (les 34 000 Saint-Marinais payent une moyenne de 1 000 euros annuels d’impôts) et la confidentialité des comptes ont attiré quantité de capitaux, plus ou moins louches, et 4 000 sociétés dans la République. En 2009, le ministre de l’économie italien, Giulio Tremonti, la dénonce comme un paradis fiscal. « Nous avons souffert d’être désignés comme des voleurs enrichis. Nous avons été victimes d’une guerre médiatique, se plaint Sergio Barducci, rédacteur en chef de la télévision de Saint-Marin. La preuve, insiste-t-il, 5 milliards d’euros ont été rapatriés de la République vers l’Italie, contre 93 depuis la Suisse… »

Depuis, assure-t-on à Saint-Marin, les banques auraient fait un grand pas vers la transparence. L’une d’elles a été fermée pour avoir abrité 1,5 million d’euros d’argent sale. « Nous avons payé notre mauvaise réputation mais depuis nous sommes sur la liste blanche de l’OCDE, se réjouit Pasquale Valentini, le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, le premier des dix ministres de la République. Nous échangeons nos informations avec l’Italie et pouvons devenir un paradis fiscal modèle. »

« Les contrôles à Saint-Marin sont plus contraignants que ceux que l’Italie impose à ses propres banques », assure Barbara Bregato, ambassadrice d’Italie à Saint-Marin. Revers de la médaille : les capitaux ont fondu dans les établissements saint-marinais. De 14 milliards d’euros, ils sont passés à 7 milliards…

Indépendants et plutôt aisés, les habitants de la République aujourd’hui s’interrogent. Et si la crise allait s’abattre sur le rocher du Titan ? Avec l’essor des banques – au début des années 1980 – qui assuraient un tiers des recettes fiscales, ils ont connu la prospérité alors que leurs ancêtres avaient dû s’exiler aux Etats-Unis, en Belgique et en France : l’école et la santé gratuites, des taxes poids plume et des contrôles laxistes, une fonction publique pléthorique (4 000 personnes travaillent pour l’Etat) et des revenus nets bien supérieurs à ceux de leurs voisins italiens. Lire la suite sur le site du journal Le Monde.

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