L’île Maurice, angle mort de la « liste Canfin » des paradis fiscaux

Samedi 3 août 2013

L’île Maurice, angle mort de la « liste Canfin » des paradis fiscaux

Publié le 1er août 2013 (rédigé le 5 juin 2013) par Mathieu Lopes

A l’heure où le gouvernement affiche sa volonté de combattre l’évasion fiscale, le ministre délégué au Développement, Pascal Canfin, a publié fin mai une liste de 17 paradis fiscaux par lesquels l’Agence française de développement ne passera plus. Une avancée, certes, mais qui « oublie » l’Île Maurice, pourtant utilisée par l’AFD dans plusieurs projets africains. Plus généralement, la portée de ce type de liste de paradis fiscaux est limitée par définition.

Présenté dès son entrée au gouver­nement comme un spécialiste du sujet, Pascal Canfin se devait de faire un geste politique sur les paradis fiscaux. Ainsi, en publiant une liste de 17 pays via lesquels l’aide publique au développement française ne devrait plus pouvoir transiter, le ministre va plus loin que la ridicule liste officielle française des « États et territoires non coopératifs », qui ne comporte que huit noms dont aucun ne peut être considéré comme un poids lourd du genre [1].

Comme le relève L’Expansion (parmi d’autres) le 28 mai], les paradis fiscaux et judiciaires s’illustrent par « leur manque de coopération lors d’enquêtes sur le détournement [de l’aide au développement] ». Cette annonce, qui doit encore être suivie de faits, est donc une avancée vers une aide publique au développement « épurée ».

L’absence remarquée de l’île Maurice

En janvier 2013, Billets d’Afrique mettait en lumière l’African Agriculture Fund (AAF), lancé notamment par l’AFD, un fonds d’investissement « pour l’agriculture en Afrique », qui fait miroiter à ses partenaires privés de beaux profits en misant sur l’accaparement de terres. La gestion de l’AAF a été confiée à un gestionnaire de fonds enregistré à Maurice, et le premier investissement de ce fonds était une participation dans Goldtree, accapareur de terre également basé à l’île Maurice.

Malheureusement la liste présentée par Pascal Canfin n’inclut pas ce paradis fiscal si pratique, y compris pour l’argent sale. Ainsi, en 2009, le magistrat anti- corruption Renaud Van Ruymbecke ironisait : « Deux exemples parfaits, et je les conseille d’ailleurs à ceux qui ont de l’argent sale à placer, c’est l’île Maurice et Singapour. Quand un juge fait une demande à l’île Maurice dans une enquête, il n’y a pas de réponse » [2].

En 2010, les plateformes d’ONG Counter Balance et Eurodad pointaient l’usage trop régulier de l’île Maurice par la Banque européenne d’investissement (BEI) pour le financement de projets en Afrique. D’après leurs travaux, 60% des fonds d’investissement de la BEI pour l’Afrique s’y trouvaient. Jean Merckaert, spécialiste des paradis fiscaux relevait alors : « L’Agence française de développement (AFD) n’est pas en reste. Elle a octroyé au gouvernement mauricien 72 millions d’euros depuis 2006 en appui au « programme de transition économique ». Celui-ci vise notamment à « renforcer les services financiers », peut-on lire sur le site de l’AFD ». Si cette mention ne figure plus aujourd’hui sur le site de l’AFD, ce paradis fiscal semble malheureusement toujours être utilisé.

Sur le cas précis de l’île Maurice, la volonté politique semble pourtant exister ailleurs. Ainsi, l’homologue belge de M. Canfin, le ministre de la Coopération au développement, Jean-Pascal Labille a annoncé devant son parlement que la société belge d’investissement pour les pays en développement (BIO) se dégagerait « le plus rapidement possible » de ses fonds d’investissement dans les grands centres offshore : 6 aux îles Caïman, 7 à l’île Maurice et 5 au Luxembourg [3]. Lire la suite sur le site de l’association Survie.

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